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Existence et vacuité selon Sartre et le bouddhisme zen

Françoise Bonardel


JP SartreLes 27 et 28 mars 2004 se tenait dans l'enceinte de l'Université Paris I - Sorbonne un colloque international sur un sujet, a priori inattendu, "Sartre et le zen". Nous vous proposons ici la version remaniée de l'intervention de Françoise Bonardel parue dans Bouddhisme et philosophie (Paris, L'Harmattan, 2008)

Agrégée de philosophie, Docteur d'État, Françoise Bonardel est professeur à l'Université Paris I - Sorbonne où elle enseigne la philosophie des religions. Disciple du maître tibétain Kalou Rinpoché, elle en a traduit les Instructions fondamentales (Paris, Albin Michel, 1990).

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La tradition Zen est riche de ces histoires drôles et incisives mettant généralement en scène un maître et son disciple encore ignorant, vite déstabilisé par cette forme très décapante de maïeutique. Extraite du recueil de Paul Reps Zen Flesh, Zen Bones et intitulée "Une tasse de thé", l’une d’entre elles me semble tout indiquée pour introduire ce propos :

Nan-in, un maître japonais vivant à l’ère Meiji (1868-1912) recevait un professeur d’université venu s’informer sur le Zen. Nan-in servait le thé. Il remplit la tasse de son visiteur, et continuait néanmoins à verser. Le professeur regardait sa tasse déborder, et ne put se contenir plus longtemps : "Elle est pleine, et ne peut en contenir davantage !"
Alors Nan-in dit : "Comme cette tasse, vous êtes plein de vos propres opinions et spéculations. Comment puis-je vous montrer ce qu’est le Zen si vous ne videz pas d’abord votre tasse ? [1]

Autant le reconnaître d’emblée : nous autres philosophes sommes tous vis-à-vis du Zen – et Jean-Paul Sartre tout le premier – dans la position ambiguë et inconfortable de ce professeur d’université dont l’histoire ne précise d’ailleurs pas s’il entendit la leçon qui venait de lui être prodiguée ou s’il campa sur ses positions d’intellectuel, trop inconscient de sa suffisance pour réaliser quelle inconséquence lui interdisait d’accéder à l’enseignement dont il venait de formuler la demande. Qu’attendre à cet égard des écrits de Sartre : un remplissage tout aussi déraisonnable de la tasse, au regard du Zen en tout cas, ou l’amorce d’un délestage ? Pris en flagrant délit d’incohérence, le professeur dont il est ici question pourrait bien être l’un de ceux que visait le poète Henri Michaux, trop convaincu des vertus du "dépouillement par l’espace" [2] pour ne pas ironiser sur la prétention des philosophes occidentaux à pratiquer la fameuse tabula rasa : "Toujours virtuellement pleine, et qui n’a rien d’effrayant, où simplement – plaisir de riche – on a convenu avec soi de n’y rien remettre que petit à petit, selon un certain ordre et sans rien laisser traîner dessus [3]."

Sans doute Sartre n’est-il pas à cet égard Descartes ! Mais ce pur produit de l’intellectualisme occidental a néanmoins contribué à donner à l’"intellectuel" dont il prit à maintes reprises la défense [4] un statut tout autre que celui du sage bouddhiste ou du lettré en Asie ; accroissant encore de ce fait, à première vue tout au moins, la distance déjà considérable entre une tradition méditative comme celle du Zen, et spéculative comme la philosophie telle que la conçoit et la pratique depuis les Grecs l’Occident. Aussi toute comparaison entre l’une et l’autre tradition repose-t-elle sur un présupposé : qu’il soit possible de parler du Zen comme d’une "philosophie", sans dénaturer profondément le sens d’une pratique spirituelle dont la vocation est d’être thérapeutique, comme toutes les autres écoles bouddhiques d’ailleurs depuis que l’Éveil du Bouddha Shâkyamuni a révélé au monde l’existence d’une "santé fondamentale" voilée par les projections égotiques. Contre la tentation d’intellectualiser le Dharma les maîtres bouddhistes n’ont pourtant cessé de mettre en garde : "Je sens parfois que c’est un peu un blasphème de parler de la perfection du bouddhisme en tant que philosophie ou enseignement sans savoir ce que c’est réellement" disait par exemple Suzuki rôshi [5], comme l’avait fait maître Dôgen huit siècles auparavant : "Vous devez en conséquence abandonner une pratique fondée sur la compréhension intellectuelle, courant après les mots et vous en tenant à la lettre. Vous devez apprendre le demi-tour qui dirige la lumière vers l’intérieur pour illuminer votre véritable nature. Le corps et l’âme d’eux-mêmes s’effaceront, et votre visage originel apparaîtra. Si vous voulez atteindre l’Éveil, vous devez pratiquer l’Éveil sans tarder [6]."

Les philosophes occidentaux ne peuvent-ils se targuer d’avoir, sous la conduite inspirée de Socrate, eux aussi "pratiqué" l’Éveil ? À leur manière évidemment, excluant que l’on puisse se contenter d’une équivalence aussi sommaire entre deux formulations dont la convergence éventuelle renvoie semble-t-il moins à la parfaite adéquation de deux énoncés qu’à la découverte d’une analogie susceptible de les rapprocher, comme le suggère Paul Masson-Oursel : "Le schème d’intelligibilité propre à la méthode comparative ne consiste ni en identité, ni en distinction [...]. La philosophie comparée ne sera ni l’une ni l’autre, quoique positive. Son principe sera l’analogie, qui raisonne suivant ce qu’on appelle en mathématiques une proportion, c’est-à-dire l’égalité de deux rapports [7]." Proposition méthodologique d’autant plus pertinente que la "philosophie de l’existence" dont l’existentialisme sartrien n’est qu’une branche tardive, et le bouddhisme au sein duquel le Zen n’est lui aussi qu’une école parmi d’autres, ont chacun à leur manière entrepris de déconstruire le noyau "identitaire" autorisant aussi bien l’objectivation du monde par un sujet (psychologique ou transcendantal) que l’identification de ce même sujet à une réalité transcendante reconnue pour Dieu. Y aurait-il donc en cela une possible rencontre des problématiques éminemment favorables au dialogue, ou un nouveau malentendu, prétexte à un remplissage illimité de la tasse ? La trajectoire intellectuelle de Sartre nous étant devenue relativement familière, du moins sous ses formes romanesques et théâtrales les plus accessibles, c’est vers le Zen qu’il faut d’abord se tourner pour amorcer ce dialogue avec l’existentialisme sartrien.


La Voie du vide

Le Zen est la forme prise, au contact de la culture japonaise jusqu’alors modelée par le shintoïsme, par le bouddhisme mahâyâna (Grand Véhicule), d’abord importé par Bodhidharma en Chine (vers 520 de notre ère), où il fut nommé Tch’an ; puis peu de temps après au Japon où il s’implanta puis dégénéra jusqu’à sa rénovation au XIIe et XIIIe siècle par maître Dôgen en particulier (1200-1253). Le mot lui-même est la transposition japonaise du sanscrit dhyâna généralement traduit par méditation, concentration. Tandis que l’école Sôtô donne la primeur à la pratique assise connue sous le nom de zazen (shikantaza), l’école Rinzai use du kôan comme "moyen habile" (upâya) en vue de l’Éveil. De par son dépouillement extrême et son impressionnante rigueur disciplinaire, le Zen a souvent été considéré par les Occidentaux comme la quintessence des enseignements du Bouddha. Mais on pourrait en dire tout autant du vajrayâna tantrique tibétain tant en raison de sa position dernière dans l’ordre des transmissions émanant des premiers enseignements du Bouddha que du caractère alchimique de nombre de ses pratiques visant la transmutation du méditant en un "corps" de même nature que l’un des trois corps (sambhogakâya, nirmânakâya, dharmakâya) attribués au Bouddha. Du mahâyâna, l’on retiendra toutefois moins ici le rôle déterminant dévolu par le Grand Véhicule au bodhisattva – renonçant à l’Éveil personnel tant que tous les êtres sentants n’auront pas été libérés du samsâra – que le postulat "métaphysique", même si le mot à l’évidence ne convient guère pour désigner la recherche d’une Voie du Milieu de l’ordre d’un ni… ni : ni existence ni non-existence, ni éternalisme ni nihilisme, autrement dit non-dualisme à quoi souscrit bien évidemment maître Dôgen : 

 Sachez donc que, selon le Dharma du Bouddha, le corps et l’esprit relèvent l’un et l’autre de l’Ainsité unique, et que l’essence et la forme sont non duelles. Cela a été reconnu en Inde comme en Chine et ne saurait être remis en question. Bien mieux, pour l’école éternaliste, tous les dharma sont permanents, aussi bien le corps que l’esprit, tandis que pour l’école nihiliste, tous les dharma sont anéantis, l’essence aussi bien que la forme. Dès lors, comment pourrait-on opposer l’impermanence du corps à la permanence de l’esprit ? N’est-ce pas là se détourner de la doctrine ? [8]

Il est clair qu’en procédant à cette double évacuation le bouddhisme Zen repousse intellectuellement et dissout pratiquement – par la méditation assise ou le kôan – les deux orientations majeures de la philosophie occidentale pour qui l’Être fut fondamentalement depuis les Grecs substance, tout au moins jusqu’à ce que la "crise du nihilisme" vienne ébranler cette quasi-évidence perpétuée par la tradition métaphysique. Or, même si le nihilisme est moins en Occident une doctrine qu’un état de fait pour la première fois diagnostiqué par Nietzsche, les interprétations divergentes que l’on peut en proposer ne remettent pas en cause l’existence d’un tel courant caractérisant peu ou prou la modernité tardive, voire épousant le destin de l’Occident comme l’a souligné Heidegger : "Le nihilisme est ce processus historial par lequel le "suprasensible" est déchu de sa souveraineté et se vide de telle sorte que l’étant lui-même perd sa propre valeur et son propre sens. Le nihilisme est l’histoire de l’étant même, à travers laquelle la mort du "Dieu chrétien" se fait jour lentement, mais inévitablement [...]. Le nihilisme, ainsi éprouvé et compris en un sens plus essentiel et plus originel, serait alors cette histoire de la métaphysique qui l’entraîne à une position fondamentale où le néant non seulement ne peut être compris, mais encore ne veut pas être conçu. Nihilisme signifierait alors : l’essentiel non-penser à l’essence du néant [9]."

Le bouddhisme va plus loin encore, ou plutôt dans une autre direction puisqu’en formulant cette double négation – ni éternalisme ni nihilisme – les maîtres Zen, conscients qu’ils concèdent encore par là au verbiage créateur d’illusions, ne manquent pas de rappeler que, pour rester vraiment non duelle, la Voie moyenne n’appelle ni à un quelconque dépassement synthétique des contraires ni à quelque Unité transcendante au regard de laquelle trouverait encore à s’impliquer le jugement : "Vous devez immédiatement trancher les deux extrémités et laisser tomber le milieu", disait maître Dôkai (XIIe siècle) [10]. Entendez : si "milieu" il y a bien, il ne saurait résulter ni de l’union ni de l’écartèlement indéfini des postulations philosophiques rivales car, précise un autre maître : "La lutte entre le pour et le contre, c’est la maladie de l’esprit [11]." Nous voilà prévenus, et mis par eux sur la Voie "qui pointe directement l’essentiel [12]" ; lequel ne saurait donc être ni existant ni non existant.

La belle unanimité interprétative régnant à ce sujet chez les grands commentateurs du bouddhisme prouve-t-elle que cette notion – qui n’en est pas une ! – ait fait son chemin en Occident parmi les philosophes ? S’il ne s’agit que de formuler ce qui fait à leurs yeux figure de paradoxe, la plupart le disent aussi clairement que Heinrich Zimmer : "Le Bouddha indique le "chemin moyen" comme il est dit, lequel est comme une passerelle mouvante suspendue entre les ligatures dogmatiques, ces formes rigides de la pensée. Il révèle à son temps l’insaisissable ligne médiane entre les doctrines extrêmes du matérialisme et de la métaphysique, qui se combattront sans fin, sans qu’aucune puisse jamais avoir raison de l’autre [13]." Même écho chez Daisetsu Teitaro Suzuki écrivant dans L’essence du bouddhisme – ouvrage moins connu que ses fameux Essais sur le bouddhisme Zen "Ils (les bouddhistes) nous recommandent ensuite de ne pas appréhender logiquement ladite fusion des opposés, car une telle fusion constitue le summum de l’absurdité tant qu’elle est du plan de la logique formelle [14]." Quant au grand érudit Toshihiko Izutsu, il met tout aussi radicalement l’accent sur le fait que shûnyatâ – ce vide qui n’est pas un néant – désigne "cet état de non-articulation fondamental et primordial [15]" à propos duquel Linnart Mäll a proposé le néologisme "zérologie [16]" ; transposition occidentale et conceptuelle de ce qui n’est justement dans le Zen ni concept ni même "état" imputable à un sujet, à un moi peu à peu élimé, destitué de ses prérogatives égotiques par la pratique méditative. D’une telle expérience, rebelle à toute conceptualisation, serait donc probablement plus proche la vision poétique de Kenneth White parlant à ce propos de découverte d’un "monde blanc", d’un "espace atopique" :

Dans le bouddhisme personne ne va nulle part, puisque la "personne" n’existe pas, et que le monde étant un tout, on ne peut aller "nulle part", il s’agit seulement d’être pleinement au monde, un monde vide de distinctions, un monde blanc.
Vivre et voyager ainsi, c’est "suivre le chemin du vide" (
shûnyavâda).
En fait, il vaudrait mieux écarter des mots comme "bouddhisme" et "zen", trop lourds de connotations, et parler uniquement du "chemin du vide" (ou du "monde blanc"). Il vaudrait encore mieux se mettre en chemin. Mais le cheminement ne va pas sans compréhension. C’est pour cela qu’il faut aussi
parler du Zen [17]. En suggérer poétiquement l’essence ou en disserter philosophiquement ?


Apories bouddhiques

S’il est vrai qu’éternalisme et nihilisme sont les deux "extrêmes" dont le Bouddha invita déjà, bien avant les maîtres du mahâyâna, ses disciples à se dégager ; et s’il est non moins vrai que ces deux courants ont été les principaux vecteurs mobilisant en Occident depuis des siècles si ce n’est continûment depuis les Grecs l’effort de pensée, à quelle distance de l’un et de l’autre Sartre s’est-il situé ? Car du père de l’existentialisme il n’est guère question dans les principaux ouvrages s’intéressant aujourd’hui à d’éventuels rapports entre bouddhisme et philosophie. Si Jacques Brosse le cite en effet dans Zen et Occident, c’est seulement pour montrer que "sans s’en être rendu compte, Sartre démontre le contraire de ce qu’il voulait prouver" ; confondant en l’occurrence, dans Critique de la raison dialectique, dérégulation par l’homme des mécanismes naturels et contre finalité due au hasard. Sartre aurait donc méconnu l’existence de cette Loi cosmique nommée par le bouddhisme Dharma [18]; ce terme désignant communément les enseignements du Bouddha mais aussi, lorsqu’il est employé au pluriel et sans majuscule (les dharma) toute réalité existante, au plan relatif il s’entend puisqu’il n’est au regard de l’ultime (shûnyatâ) ni existence ni non-existence.

Notion importante donc pour notre propos puisque un dharma peut à cet égard désigner ce que la philosophie occidentale nomme un existant, un étant dont la phénoménalité peut être perçue et décrite pour telle mais dont le mode d’apparition suppose déjà, pour être compris, que l’on prenne parti pour une interprétation métaphysique ou phénoménologique des rapports de l’être et de l’étant. Alors que la métaphysique présuppose depuis Platon que l’étant ne puisse se manifester pour tel qu’au prix d’une déperdition de substance par rapport à l’essence (eidos) qui en valide ontologiquement l’existence, la phénoménologie s’est donné depuis Husserl pour tâche de "sauver les phénomènes" en ce qu’elle leur laisse la chance de livrer par leur seule apparition à un regard devenu lui-même "eidétique" le secret de leur essence, dès lors rien moins que transcendante sans qu’on puisse pour autant la dire immanente : "Au fond, la phénoménologie est née dès que, mettant entre parenthèses – provisoirement ou définitivement – la question de l’être, on traite comme un problème autonome la manière d’apparaître des choses [19]." Si transcendance et immanence ont été les deux extrêmes entre lesquels ont dû choisir toutes les métaphysiques, la phénoménologie dont Sartre fut l’un des premiers sinon toujours fidèle commentateur en France, semble bien par opposition constituer une avancée vers une forme occidentale de non-dualité.

De Sartre, il est pourtant très succinctement question dans un article de Georges Vallin consacré au "Non-dualisme asiatique" où l’auteur écrit : "Or la vérité de l’ego, ainsi que nous l’enseignent le Bouddhisme aussi bien que Sartre, c’est l’affirmation de la réalité du néant, c’est la négation à l’état pur qui morcelle et limite l’être et s’oppose à la manifestation des dimensions fondamentales et ultimes de l’être [20]." Formulation on ne peut plus ambiguë puisqu’il ne saurait y avoir, au regard du bouddhisme, de "vérité de l’ego" ; et que si ladite "vérité" coïncide avec "l’affirmation de la réalité du néant", rien de permet a priori de conclure à une parfaite convergence entre Sartre et les bouddhistes quant à l’appréciation des "dimensions fondamentales et ultimes de l’être" dont la manifestation serait occultée, entravée par cette négation. Tout reste donc en la matière à penser ! Aussi nous incombe-t-il d’examiner s’il y a bien chez Sartre – sur le plan nécessairement conceptuel et spéculatif où évolue en Occident la philosophie – quelque chose de comparable au non-ego bouddhique (anâtman), indissociable de la Voie moyenne et du non-attachement qui lui est corrélatif ; ou bien si la "déconstruction" sartrienne de l’ego – indéniable dans La transcendance de l’ego en particulier – s’inscrit plutôt dans un contexte post-moderne résolument "nihiliste" car anti-éternaliste au regard des ambitions qui furent celles de la métaphysique occidentale. Cette contextualité philosophique et littéraire, Kenneth White l’a dépeinte avec finesse et justesse dans La figure du dehors"Pratiquement toute la littérature d’avant-garde aujourd’hui, du moins en France, est le fait du "moi fissuré" dont parle Maurice Blanchot. Ce qui donne un formalisme schizoïde." Préférant, comme les bouddhistes, user de l’antidote plutôt que de l’affrontement polémique aggravant encore la glaciation issue d’un tel clivage, Kenneth White dit aussi espérer "qu’une onde de croissance puisse se lever, une onde de croissance qui transcende les problèmes du "moi fissuré" et qui, au-delà du formalisme schizoïde, ouvre un espace non formel [21]." En bref : Sartre expulsant l’ego de la conscience comme une sorte de parasite inutile ou indésirable, s’est-il vraiment acheminé vers une évacuation significative permettant un rapprochement pertinent avec le bouddhisme, ou n’a-t-il fait que donner au "moi fissuré" de nouveaux arguments, de nouvelles armes en vue de son renforcement ?

Une chose au moins semble assurée : on ne peut davantage isoler cette question dans la philosophie de Sartre de celle de l’existence, qu’on ne peut dans le bouddhisme séparer la "doctrine" du non-ego d’une vision plus large – celle du non-attachement et de la non-dualité – impliquant elle-même un jeu, déroutant pour la logique occidentale, entre le relatif et l’ultime ; jeu miroitant dont se fait l’écho un passage du fameux Sûtra du cœur, particulièrement cher aux pratiquants du Zen : "Les formes ne sont rien d’autre que le vide. Le vide n’est rien d’autre que les formes [22]." Entre le Dharma donc, et les dharma, point de "différence ontologique" au sens occidental du terme, mais l’océan incommensurable de shûnyatâ dont la découverte ne saurait résulter d’une nouvelle appropriation – qui pourrait d’ailleurs se saisir de quoi ? – mais d’un dépouillement, d’une mise à nu suggérant à Daisetsu Teitaro Suzuki un rapprochement avec la voie "négative" préconisée par Maître Eckhart : "La pauvreté, sous un autre nom, est la vacuité, shûnyatâ. Lorsque l’esprit est entièrement débarrassé de la souillure accumulée depuis des temps immémoriaux, il reste nu, sans vêtements, sans déguisements. Il est maintenant vide, libre, authentique, assumant son autorité originelle [23]." Entendons l’autorité inhérente à la "nature de bouddha" incréée, immaculée, qu’un dévoilement – progressif ou subit selon les écoles – permet de laisser être en toute spontanéité : "Une même nature pénètre complètement toutes les natures, un même dharma contient totalement tous les dharma [24]."

Or une telle "nature" – celle du tathâgata, l’Ainsi-allé – n’est ni naturante – puisqu’elle libère des conditionnements naturels et karmiques – ni naturée, étant incréée. Les catégories occidentales achoppent une fois encore devant une réalité, voire la Réalité qui, immuable et inaltérable, ne s’avère pas moins insaisissable pour la pensée : "Une doctrine comme celle de la Vacuité n’est pas du tout le produit d’une réflexion intellectuelle, mais simplement l’expression d’une perception directe dans laquelle l’esprit saisit la vraie nature de l’existence, sans l’intermédiaire de la logique", précise D. T. Suzuki [25] ; insistant comme il se doit sur le fait que la Vacuité « ne signifie pas un état de simple néant. Elle a une signification positive, ou plutôt c’est un terme négatif désignant l’identité des choses (tathatâ) [26]." Si donc shûnyatâ n’est pas le néant mais le vide, qu’on ne peut opposer au plein ; et si shûnyatâ est bien "l’expression d’une vision qui plonge directement dans la nature de l’existence [27]", alors il n’est pire danger que de conceptualiser ce vide, comme le rappelle Houei-Neng, le fameux sixième Patriarche de la lignée Zen : "Quand vous entendez parler du Vide, ne vous enlisez pas tout de suite dans l’idée que j’insiste sur le Vide ; cela impliquerait l’hérésie doctrinale de l’annihilation. Il est de la plus haute importance de ne pas sombrer dans cette idée [28]." Qu’est donc au juste l’existence pour le bouddhisme, s’il est par ailleurs avéré que l’esprit en sa spontanéité la plus pure – assimilable à la "nature de bouddha" – "n’est par essence ni existant ni non existant", comme le martèle tout au long de ses discours Bodhidharma [29] ?


Le bouddhisme est-il un existentialisme ?

Quand le jeune Prince Siddhârtha, ignorant encore qu’il allait devenir Shâkyamuni le Bouddha, découvrit au sortir de son palais la souffrance (duhkha) inhérente à l’existence – maladie, vieillesse et mort – le mot n’avait alors dans son esprit que son sens le plus courant : une manifestation éphémère de la vie en chaque être sentant. Appelée à devenir dans les enseignements ultérieurs l’une des conditions requises pour le développement de l’esprit d’Éveil, la contemplation de l’impermanence provoqua ce jour-là en lui la décision non pas d’atteindre l’illumination – état en soi inenvisageable pour le débutant qu’il était encore – mais d’obtenir la cessation, l’extinction du feu attisé par l’attachement, à soi-même et au monde. Nulle expérience n’est à cet égard plus "existentielle" que celle du Bouddha, dès lors convaincu de devoir "montrer la voie de la délivrance au monde des créatures en proie au fiévreux sommeil de la vie [30]." Tel est bien au regard du bouddhisme le seul "sens" de l’existence qualifiée en cela de "précieuse" : l’opportunité offerte aux êtres humains plus qu’aux animaux de se délivrer de la souffrance et de parvenir à l’Éveil ; une chance aussi rare disent les textes que celle permettant à une tortue ballottée par les flots d’un immense océan de passer la tête dans un anneau flottant sur les eaux.

Philosophie de l’existence, le bouddhisme l’est aussi, dans un sens plus concret cette fois-ci, en ce que les enseignements reçus du Bouddha se révèlent une véritable et puissante "thérapeutique" capable de métamorphoser les êtres dont la bienveillance (maitrî), la compassion (karunâ) croissent alors à mesure que s’éteignent en eux ou que sont transmués les feux passionnels afférant aux trois poisons (avidité, jalousie, colère) retenant les êtres dans le cycle des existences (samsâra). Aussi les observateurs occidentaux qui au XIXe siècle soupçonnèrent le bouddhisme de ne célébrer d’autre culte que celui du Néant ne manquèrent-ils pas de s’étonner de ce que les peuples soumis à un "nihilisme" si barbare puissent être néanmoins si affables et souriants ! Intrigué par la nature exacte de la philosophie bouddhique – "une théorie de l’unité qui inclut en même temps un dualisme" – Schelling n’en conclut pas moins : "On ne peut s’empêcher de reconnaître que la religion bouddhiste a rendu à l’humanité un service essentiel. C’est elle qui véritablement a pacifié les mœurs des nomades tartares ; ses apôtres ont, les premiers, osé parler morale à ces farouches conquérants ; grâce à eux ils ne menacèrent plus ni l’Asie ni l’Europe [31]."

Aussi le principal obstacle sur la "voie du Vide" n’est-il pas l’existence phénoménale en tant que telle, dont Bodhidharma disait : "Plutôt que de parler et d’entendre parler des phénomènes, il vaudrait mieux en faire soi-même l’expérience en son corps et son esprit. Si votre harmonie avec les phénomènes et avec le Dharma est profonde, les profanes ne peuvent la sonder [32]." L’obstacle par contre surgit lorsque l’intellect avide de certitudes fait d’une telle "phénoménalité" l’expression d’un vulgaire empirisme comparable par exemple à celui de Hume, ou l’indice d’une quiddité, d’une substantialité que la tradition philosophique occidentale lui a appris à rechercher derrière toute apparence comme son fondement caché, comme la caution métaphysique légitimant une existence en ce qu’elle a de toujours précaire et changeant. Que bouddhisme et philosophie puissent se rencontrer sur la base d’un commun refus – celui d’une ontologie demeurée substantialiste – ne permet pas de conclure qu’ils ont la même vision de la "phénoménalité" de l’existence. Or les enseignements bouddhiques sont à cet égard unanimes : "dans tous les cas ce sont les spéculations de votre esprit qui produisent aussi bien l’existence que la non-existence" ; et Bodhidharma de poursuivre : "C’est pour avoir saisi les caractères que l’on tombe en enfer, et pour voir contemplé le Dharma qu’on se libère[33]."

La vraie question n’est donc pas de savoir si phénomènes et noumènes peuvent être séparément pensés, ou si les premiers peuvent légitimement exister en l’absence des seconds puisque ce sont là autant d’imputations, intellectuelles et verbales, renforçant l’enchaînement existentiel et spirituel que le bouddhisme entend dissoudre, par la méditation plus encore que par les enseignements. C’est l’imputation en tant que telle qui s’avère l’obstacle majeur, soumise qu’elle est au principe de non-contradiction et interdisant de ce fait l’accès à la Réalité où les contraires peuvent coexister dans une parfaite réversibilité, comme le suggère Houang-Po, maître Tch’an du IXe siècle : "La Réalité, au fond, n’existe pas, mais cela n’est guère du nihilisme car, au fond encore, il y a une Réalité qui ne relève pourtant pas de l’existence. L’existence et l’inexistence ne sont que des opinions dictées par les affects. Elles sont là comme des illusions magiques, comme une taie sur l’œil [34]." Et D. T. Suzuki le redira plus tard en des termes identiques quant au fond : "Considérer l’existence comme ceci ou comme cela, comme étant ou n’étant pas, comme éternelle ou transitoire, est la construction de notre pensée et non pas la Réalité elle-même [35]." Imputation intellectuelle sans plus de portée que d’autres, l’attribution d’existence ou de non-existence est donc appelée à se résorber dès que la pratique dévoile l’Ainsité, la "nature de bouddha" incréée : "Ne médisez pas du ciel bleu en le regardant au travers d’une paille" ! lançait le maître chinois Yoka Genkaku (665-713) aux malheureux demeurés prisonniers du seul enfer qui soit, celui des incendies cosmiques attisés par la réclusion égotique. Car de l’ego en tout premier lieu on doit dire qu’il existe et n’existe pas ; confortant l’existant dans ses certitudes de forçat ou devenant à son tour le levier phénoménal d’une libération annoncée. Le maître Suzuki rôshi le dira en des termes très imagés : "Ce que nous appelons "je" n’est qu’une porte battante qui va et vient quand nous inspirons et quand nous expirons. Elle bat ; c’est tout. Lorsque votre esprit est assez calme et pur pour suivre ce mouvement, il n’y a rien : pas de "je", pas de monde, pas d’esprit ni de corps, rien qu’une porte battante [36]." Il faudrait à ce propos relire et commenter la fin du chapitre Genjôkôan du Shôbôgenzô où maître Dôgen associe maniement de l’éventail par le maître et découverte intuitive, par le disciple, du sens métalogique d’un tel battement capable, comme le dit plus loin Dôgen, de "faire entrer le vide en résonance [37]."

Comment après tout cela dire, ou ne pas dire, que le bouddhisme Zen est, ou n’est pas, une philosophie de l’existence ? Mais surtout, comment après cela encore oser penser – peut-être le devrons-nous – que celle de Sartre ait pu se faire l’écho d’un tel battement, ou dévoiler comparable Ainsité ? Car au-delà des affinités personnelles qui auraient pu porter Sartre à s’intéresser de près au bouddhisme en général et au Zen en particulier – ce qui n’est pas le cas – le comparatisme philosophique vise surtout à mettre au jour des matrices conceptuelles communes ou des postures existentielles en effet comparables en dépit des disparités culturelles, intellectuelles, et a fortiori spirituelles. Encore faut-il être conscient qu’en renonçant à dévoiler certaines influences patentes – en l’occurrence inexistantes ou indéchiffrables dans le corpus sartrien – on s’avance sur un terrain encore plus incertain, par défaut de référent commun. La question n’est plus alors : qu’a-t-il pu chercher et trouver dans le bouddhisme Zen, lui Sartre ? à savoir pas grand chose ou quasiment rien ; mais que cherchons-nous à notre tour, qui présentement sans doute nous manque, lorsque nous nous engageons sur ce terrain ? Il n’est pourtant pas trop hasardeux d’affirmer que Sartre ait pu à sa manière – celle d’un intellectuel tardivement engagé dans les affaires toujours scabreuses du monde – chercher une troisième voie, sinon celle du Milieu, entre éternalisme et nihilisme, dont il s’est employé à réfuter les exigences respectives et opposées.


Existence et nihilisme

Réfutation de l’éternalisme en effet, même si le terme est pour la philosophie occidentale – trop impliquée sans doute dans ce combat depuis les Grecs – un néologisme aussi déroutant que celui d’impermanence. Mais réfutation quand même – et non dissolution méditative bien sûr – si l’on songe à l’acharnement avec lequel Sartre s’est attaqué aux reliquats philosophiques du vieux déisme, et à cette autre forme d’éternalisme qu’est toute métaphysique de l’Être comme substance, autant dire à la métaphysique occidentale en son entier ; ces deux pôles constituant ce que Heidegger a nommé onto-théo-logie. Sans doute peut-on trouver un peu "légère", philosophiquement parlant, l’argumentation à l’emporte-pièce qui a fait le succès de L’existentialisme est un humanisme, balayant de quelques traits de plume vengeurs vingt siècles de théologie et de spéculations métaphysiques au nom de l’humanisme athée. Quant au Dieu mi-grec mi-biblique vaincu par la liberté de l’homme dans Les Mouches, il n’a en rien la grandeur tragique du Wotan wagnérien confronté à Siegfried autant qu’à Brünnhilde dans L’Anneau des Nibelungen. C’est vers L’Être et le Néant qu’il faut se tourner si l’on veut trouver plus radicale "déconstruction" du couple identité substantielle - divinité éternelle ; toutes deux incarnant aussi dans l’histoire de la métaphysique la possible coïncidence de l’en-soi et du pour-soi.

Reprenant à son compte le terme de "réalité humaine" – traduction par Henry Corbin, fort contestée depuis, du Dasein heideggérien – Sartre dit y découvrir comme disposition fondamentale (Befindlichkeit) non le souci mais le manque, dont le désir atteste le potentiel néantisant : "La réalité humaine par quoi le manque apparaît dans le monde, doit être elle-même un manque […]. La réalité humaine est avant tout son propre néant [38]." Non le néant de la créature devant son Créateur, bien connu des mystiques, ni même l’insatisfaction ordinaire de ne pouvoir faire coïncider images idéale et réelle de soi. Délaissant la psychologie autant que la théologie, Sartre dit déceler au cœur même de l’existant le ver rongeur capable de faire éclater de l’intérieur l’ontologie classique postulant qu’il est tout aussi possible à l’homme de coïncider avec lui-même qu’à Dieu d’être "celui qui est" : "Lorsque cette totalité dont l’être et l’absence absolue sont hypostasiés comme transcendance par delà le monde, par un mouvement ultérieur de la médiation, elle prend le nom de Dieu [39]." Si jamais ne coïncident en chaque existant l’en-soi et le pour-soi, c’est que le pour-soi est condamné à n’être jamais ce qu’il aspire à être, hanté qu’il est par cette totalité imaginaire ou inaccessible qui néantise son désir d’auto-fondation de soi ; condamné à être par contre ce qu’il n’est pas, puisque aucune totalité ne "répond" en fait de lui en son être facticiel, et de son libre projet d’être soi. Avant d’être imputable à la néantisation opérée par le regard d’autrui, l’enfer semble donc installé au cœur de chaque existant, condamné à être et n’être pas soi sans qu’aucune délivrance soit envisageable, hormis l’acceptation désillusionnée de la contingence dont il sera question dans La Nausée. Aussi l’existant sartrien, doublement fissuré et clivé, pourrait-il bien trouver son répondant dans la situation décrite par Houang-Po au cours de ses Entretiens :

Il y avait un imbécile qui criait tout en haut de la montagne. Comme l’écho de son cri montait de la vallée, il dévala la montagne à la recherche de l’auteur de ce cri, mais il ne trouva personne. Alors, il poussa un autre cri, et cette fois l’écho lui répondit de la cime et l’imbécile escalada la pente…Cela dure depuis mille vies, dix mille kalpas ! Il cherche une voix et court après un écho, malheureux promis à mourir et à renaître absurdement ! Quand vous n’aurez plus de voix, il n’y aura plus d’écho. Le nirvâna ne peut s’entendre, se connaître, car il n’a pas de voix et transcende, vagues ou précises, toutes les traces. Comprenez cela et vous vous rapprocherez du maître Patriarche ! [40]

Réinstaller le Néant, ou plutôt la néantisation au cœur de chaque existant habité par un manque irréductible et hanté par le fantôme de la totalité, est-ce concéder au nihilisme ? Ce terme – longtemps et indûment utilisé à propos du bouddhisme – est-il philosophiquement plus pertinent en ce qui concerne Sartre ? Si récuser les prétentions éternalistes de la métaphysique, et de la morale qui en découle, est être automatiquement nihiliste, alors Sartre le fut assurément ; renforçant ainsi, à son insu probablement, l’alternative selon laquelle on abandonne au Néant tout ce que l’on n’octroie pas à l’Être. Or, c’est dans la continuité de Hegel (l’Être est le Néant) [41] et de Heidegger que Sartre dit élaborer un nouveau projet philosophique, sans toutefois le rattacher de façon explicite à ce mouvement de fond et de sape nommé par Nietzsche "crise du nihilisme européen" ; et cela sans doute par manque d’affinité profonde avec le style philosophique de Nietzsche. Quant aux aspects supposés "nihilistes" de l’existentialisme proposant de l’homme et de l’existence une vision jugée par certains pessimiste, voire sordide, Sartre s’en est expliqué dans L’existentialisme est un humanisme ; montrant qu’une philosophie de la liberté, fût-elle marquée par le caractère contingent de l’existence, ne pouvait qu’être un humanisme et non un nihilisme : "L’homme est seulement, non seulement tel qu’il se conçoit, mais tel qu’il se veut, et comme il se conçoit après l’existence, comme il se veut après cet élan vers l’existence ; l’homme n’est rien d’autre que ce qu’il se fait [42]." C’est en effet la notion même d’existence qu’il faut maintenant examiner, car c’est d’elle que dépend le bien-fondé éventuel de cette appellation (nihilisme) en forme d’accusation.

Or l’existence, Sartre l’a dégagée de ses présupposés scolastiques subordonnant l’existentia à l’essentia, et lui a redonné, comme le fit de son côté Heidegger, son sens plein et fort d’ex-sistere : se tenir au-dehors, s’éclater vers. Exister exclut donc le repli douillet sur soi dont le moi serait le centre ; un "centre d’opacité" en fait, comme l’a montré Sartre dans La transcendance de l’ego : "La phénoménologie n’a pas besoin de recourir à ce Je unificateur et individualisant. En effet, la conscience se définit par l’intentionnalité. Par l’intentionnalité, elle se transcende elle-même, elle s’unifie en s’échappant [43]." Est-il besoin de préciser que, rapporté au mouvement même de la conscience, le mot transcendance a changé de sens, perdant dans l’aventure de l’éclatement hors de soi le caractère d’absolu et de fondement que lui avait conféré la métaphysique ? Et l’on ne peut pas ne pas citer à nouveau ce fameux passage de Situations I où Sartre, reconnaissant sa dette à l’endroit de l’intentionnalité husserlienne, expulse le moi de la conscience, et la conscience de la forclusion intérieure où l’avait enfermée la "philosophie digestive de l’empiro-criticisme" : "Être, s’est s’éclater dans le monde, c’est partir d’un néant de monde et de conscience pour soudain s’éclater-conscience-dans-le-monde (…). Tout est dehors, tout, jusqu’à nous-mêmes : dehors, dans le monde, parmi les autres [44]." La question doit être maintenant clairement posée : en quoi l’ex-sistere de l’existant – conscient d’être existant, plutôt que conscient de soi – apporte-t-il une réponse philosophique de l’ordre du ni... ni à l’alternative éternalisme ou nihilisme ? Une troisième voie venant en effet d’être esquissée – je n’ose parler de Voie du Milieu au sens bouddhique – cet ex-sistere dont la contingence radicale sautera aux yeux de Roquentin comme une sorte de révélation – est-il aussi fondamentalement habité par la souffrance qu’il l’est au regard du bouddhisme ?

Les exemples donnés par Sartre pour illustrer tel ou tel moment de son argumentation, et donner matière à une description phénoménologique, sont souvent en effet des situations de souffrance inhérente au désir donc au manque, ou liées à ce que le bouddhisme nomme les trois poisons : avidité, passion, ignorance. On ne trouve pas pour autant chez Sartre une conscience particulièrement aiguë de l’impermanence motivant le Bouddha dans sa quête de délivrance, même si Sartre peut occasionnellement écrire : "J’ai pitié de Pierre et je lui porte secours. Pour ma conscience une seule chose existe à ce moment : Pierre-devant-être secouru. Cette qualité de "devant-être-secouru" se trouve en Pierre. Elle agit sur moi comme une force [45]." Ce qui importe en la circonstance à Sartre n’est pas à l’évidence de se montrer compatissant, mais d’user d’un exemple aussi frappant pour renverser le rapport classique de la conscience au monde au profit d’un "dehors" – Pierre en la circonstance – non pas digne de compassion en tant qu’être humain souffrant, mais présentant le caractère attractif d’un existant-souffrant expulsant la conscience de son endormissement. Si le résultat est sur le terrain le même – l’assistance portée à Pierre – l’intentionnalité ainsi mise au jour révèle en tout cas une absence totale d’intention compatissante ; et rien ne permet de dire s’il s’agit là d’une forme subtile d’indifférence, ou d’une épuration phénoménologique des motivations égotiques au nom desquelles on porte la plupart du temps secours à un autre homme, plus ou moins intensément perçu comme "prochain".

Il est par contre significatif que Sartre ait distingué la souffrance pleine, si l’on peut dire, celle qui "a de l’être" : "la souffrance que nous lisons sur le visage des autres, mieux encore sur les portraits, sur la face d’une statue, sur un masque tragique" ; et celle dont nous ressentons qu’elle participe activement à la néantisation de notre être : "La réalité-humaine est souffrante dans son être, parce qu’elle surgit à l’être comme perpétuellement hantée par une totalité qu’elle est sans pouvoir l’être, puisque justement elle ne pourrait atteindre l’en-soi sans se perdre comme pour-soi. Elle est donc par nature conscience malheureuse, sans dépassement possible de l’état de malheur [46]." Isolant ainsi de l’ensemble du processus dialectique hégélien cette séquence, décisive il est vrai puisque y est à l’œuvre la puissance du négatif [47], et faisant de la "conscience malheureuse" irrémédiablement clivée l’expression d’un ex-sistere qui n’aurait pas encore vraiment assumé sa radicale extériorité, Sartre semble considérer comme un point final indépassable la situation existentielle à partir de laquelle le bouddhisme commence quant à lui à opérer. Car la seule "délivrance" envisageable pour l’existant c’est de consentir à l’expulsion de soi à quoi le contraint l’existence, sans qu’il soit à ce propos possible de confondre révélation de la contingence et illumination (satori) comme on l’a parfois avancé à propos de l’extase vécue dans La nausée par Roquentin.


Une conscience sans ego ?

L’Orient bouddhique a-t-il d’ailleurs jamais accordé à l’angoisse le rôle révélateur que lui reconnurent Kierkegaard d’abord, Heidegger [48] et enfin Sartre ? L’angoisse ne pouvait à l’évidence être perçue comme "disposition fondamentale" révélatrice d’un mal-être existentiel et annonciatrice d’une révolution du moi sur lui-même, qu’à la charnière historique de deux conceptions du "sujet". Aussi ne serait-on pas seulement angoissé parce qu’on se sait libre, sans garant transcendant et donc confronté à l’entière responsabilité de ses actes, comme le dit un peu hâtivement Sartre dans L’existentialisme est un humanisme [49], mais du fait même de l’auto néantisation déjà évoquée : "C’est précisément la conscience d’être son propre avenir sur le mode du n’être-pas que nous nommerons l’angoisse [50]." Disons au mieux que l’angoisse peut jouer en Occident – du fait même des structures mentales et psychologiques occidentales – un rôle de détonateur comparable à l’impermanence dans l’Orient bouddhique ; toutes réserves restant faites quant à l’identité de l’Éveil consécutif à cette révolution-révélation. Notons également au passage que, de toutes les écoles bouddhiques, le Zen est probablement celle qui a le moins mis l’accent sur la souffrance inhérente à l’existence ; et le moins théorisé sur les douze facteurs interdépendants (nidâna) et sur la co-production conditionnée (pratîtyasamutpâda) qui enchaînent chaque être demeuré ignorant à la roue de l’existence.

Si l’on ne peut donc créditer l’angoisse d’être en soi facteur d’Éveil, le décollement de la conscience ainsi devenu perceptible ne révèle pas seulement à l’existant qu’il abrite son propre néant puisqu’il lui et également donné d’entrevoir le "rien" de sa liberté, ouvrant il est vrai un abîme bien plus vertigineux encore, mais libérant aussi le champ des possibles de l’hypothèque théiste et substantialiste qui l’avait jusqu’alors oblitéré : "Dans l’angoisse la liberté s’angoisse devant elle-même en tant qu’elle n’est jamais sollicitée ni entravée par rien [51]." Faut-il dès lors en venir à distinguer chez Sartre une néantisation dépossédant la conscience de toute prérogative substantialiste et de toute perception totalisante de soi ; et un "rien" dans lequel la conscience expulsée de soi par l’existence, jetée dans un monde qui ne lui révélera jamais les raisons de son exister, apprend pourtant à reconnaître dans ce nihil, ce Nichts, le signe manifeste de sa liberté ? Il se pourrait que nous tenions là le point de rapprochement le plus significatif, le plus fragile aussi, entre Sartre et le bouddhisme ; à condition de préciser tout ce qui les sépare quant à la vision de la liberté : pro-jet toujours menacé de néantisation pour l’un, pure spontanéité en accord non réfléchi avec le Dharma pour l’autre. S’il est une place pour le "rien" dans la vie de la conscience telle que la décrit Sartre, peut-on pour autant parler de l’exister en terme de vacuité, sans pour autant non plus donner à ce terme l’exacte signification – non conceptuelle faut-il le rappeler – qu’il revêt dans le bouddhisme mahâyâna ?

Si l’existence précède l’essence, comme l’a proclamé l’existentialisme, l’être-au-monde est de ce fait confronté à une double "vacance", si ce n’est vacuité : celle de la "nature humaine" dont l’illusion substantialiste avait fait la garante d’une possible adéquation de soi à soi ; vacance aussi de toutes les déterminations, naturelles et culturelles, pouvant atténuer le vertige de la liberté et alléger le fardeau de la responsabilité. Mais si l’existant ne devient vraiment "homme" qu’en raison et fonction de ses actes, sans pouvoir rien révoquer de ce qu’il fit ou omit de faire, alors le mot "liberté" pourrait bien recouvrir aussi chez Sartre un état de fait bien connu du bouddhisme : celui de la "production en dépendance" déterminant et renforçant l’enchaînement karmique. Sans doute vaut-il mieux aux yeux de Sartre se conduire comme un héros que comme un salaud, taraudé par la mauvaise foi. Sans doute le poids karmique d’un méfait ou celui d’un bienfait n’est-il pas le même au regard du bouddhisme, considérant toutefois que tout acte où prévaut l’attachement égotique génère un nouvel enfermement. Sartre ne croyait donc pas si bien dire, voyant de son côté l’Enfer en ce monde à l’image d’un huis clos sans possible échappatoire ! Trouve-t-on néanmoins dans sa philosophie traces au moins perceptibles d’un non-agir libérateur ne pouvant évidemment avoir d’autre "auteur" qu’un non-ego ? Encore faut-il rappeler qu’étant à la fois ek-statique et contingente, l’existence met chacun en demeure et en "situation" d’assumer une double éradication : extirpation des replis identitaires d’abord, favorisée par toute conception substantialiste de la vie de la conscience ; Sartre ne faisant en cela que tirer et radicaliser les leçons de la conception husserlienne de l’intentionnalité. Aussi la "déconstruction" du Je transcendantal entreprise par Sartre dans La transcendance de l’ego est-elle du plus haut intérêt pour notre propos. Il s’agit bien là en effet d’une éradication plus radicale encore, si l’on peut dire, en ce que l’ex-sistere atteste et révèle, de façon quasi "mystique", une "vacuité" abyssale dans l’ordre des raisons assez comparable à ce que Schelling désignait comme Ungrund, non-fond précédant toutes les oppositions d’où sourd la liberté en ce qu’elle a d’encore indifférencié [52].

Abandonnant à Kant le domaine du droit pour suivre Husserl dans celui de l’expérience et de l’existence, Sartre procède en effet dans La transcendance de l’ego à un renversement des perspectives classiques selon lesquelles la conscience tiendrait son unité du Je transcendantal qui en serait le centre virtuel unificateur et le "foyer permanent". Reconnue pour "intentionnelle" par contre, la conscience – peut-être devrait-on même dire chaque conscience de ceci ou de cela – découvre en s’éclatant vers et dans le monde "l’irrationalité profonde de la notion d’ego", son inutilité de fait voire sa dangerosité, son opacité aussi : "Tel quel, le Moi nous reste inconnu" ou encore : "par nature l’Ego est fuyant." De deux choses l’une en effet : ou bien le Moi préexiste à la conscience – hypothèse réfutée par Sartre – en tant que "forme pure de l’être, antérieure à toute qualification [53]", et il ne peut de ce fait que chercher à conforter sa position de "propriétaire" de la conscience, invitée par lui à se replier sur soi et à ne se connaître qu’en tant que conscience de soi. Prendre l’intentionnalité au sérieux par contre conduit, non seulement à expulser ce noyau toujours plus ou moins virtuel, mais à briser le circuit de l’ipséité et à formuler l’hypothèse d’une conscience irréfléchie et impersonnelle, délivrée de l’auto réflexion égotique : la conscience purifiée du je est "tout simplement une condition première et une source absolue d’existence [54]." L’ouverture corrélative à ce changement de cap est considérable tout en demeurant problématique, voire énigmatique. Considérable puisqu’elle permet d’une part de concéder au moi empirique, "matériel" dit parfois Sartre, une réalité somme toute utilitaire et seconde : "C’est tout simplement un concept vide et destiné à rester vide [55]" ; et de l’autre un élargissement du champ transcendantal qui, "purifié de toute structure égologique, recouvre sa limpidité première. En un sens c’est un rien puisque tous les objets physiques, psycho-physiques et psychiques, toutes les vérités, toutes les valeurs sont hors de lui, puisque mon Moi a cessé, lui-même, d’en faire partie. Mais ce rien est tout puisqu’il est conscience de tous ces objets [56]." Que dans le champ transcendantal ouvert par l’intentionnalité puissent ainsi s’interpénétrer le rien et le tout est probablement l’avancée la plus involontairement significative de la déconstruction sartrienne, en direction d’une réalité transpersonnelle difficilement intelligible, mais peut-être comparable de ce que le bouddhisme nomme pour sa part "champ pur" ou "espace absolu" (dharmadhâtu).

Avancée problématique pourtant, si l’on réalise que la conscience, délivrée du Je transcendantal, est une "spontanéité impersonnelle" que Sartre dit à l’occasion "monstrueuse" puisque son flux continûment transcendant (transgressif) et débordant sourd en fait du "rien", telle une création continuée bien que sans auteur, et procédant ex nihilo. On pourrait même aller jusqu’à penser que, liquidant le scénario créateur divin dont le jeu de l’ego demeure le dernier défenseur, Sartre engage la philosophie dans un champ jusqu’alors inconnu où la spontanéité impersonnelle d’une conscience non réfléchie rejoint en effet celle reconnue par le bouddhisme au non-ego, libre d’entraves karmiques : ce que le Tibétain Longchenpa nommait "liberté naturelle de l’esprit" [57] (rigpa). Ce serait toutefois oublier un peu vite que cette conscience – impersonnelle, spontanée, irréfléchie – demeure conscience de l’existence ; et que l’ex-sistere, tel que l’intentionnalité de ladite conscience permet de le percevoir, est irrémédiablement contingent, autant dire privé de raisons d’être et saturé par cette écœurante gratuité : "La contingence n’est pas un faux semblant, une apparence qu’on peut dissiper ; c’est l’absolu, par conséquent la gratuité parfaite [58]." Le champ qui paraissait s’ouvrir, s’élargir, en vient très vite à se resserrer jusqu’à faire resurgir, pour la conscience devenue impersonnelle, une souffrance comparable à celle du moi clivé : "La nausée, écrit Jean Beaufret, c’est l’homme pataugeant dans sa détresse originaire, où il est abandonné non pas tant, selon Sartre, à l’angoisse kierkegaardienne qu’à une sorte d’écœurement fondamental [59]." Qu’est-ce en effet que l’écœurement – celui-là en tout cas, vécu par Roquentin – sinon la réplique mimétique et physique d’une expulsion généralisée qui, évidant la conscience de ce Moi qui s’en croyait propriétaire, puis la conscience elle-même de sa propension à l’auto-réflexion, livre la "réalité humaine" à un monde qui à son tour l’expulse comme un corps étranger ? "Extase horrible", dit d’ailleurs de cette "révélation" l’anti-héros par excellence qu’est l’existant livré à l’obscénité de ce surplus pullulant, grouillant, bourgeonnant : "L’existence est un plein que l’homme ne peut quitter [60]." Si tout est "dehors", sans plus aucun dedans, vers quelle autre extériorité pourrait-on en effet s’évader ? Le "dehors" à première vue libérateur de l’exister se révèle en fait pour ce qu’il est : une réclusion à perpétuité.

Si je parlais tout à l’heure du caractère problématique et énigmatique de la conscience impersonnelle et irréfléchie de l’existence, c’est que ni l’absence de raisons nécessaires et suffisantes caractérisant la contingence ; ni la gratuité de l’être-là (Dasein) qui, privé de toute légitimation, revêt le caractère d’un ab-solu délié de tout, ne permettent non plus de prouver qu’il devait en être ainsi pour une conscience ; et qu’un autre existant n’eût pas, devant ce trop-plein débordant mais sans plus aucun repli protecteur, devant ce vide dénué de tout fondement et enracinement, vécu une tout autre extase, et ne se soit émerveillé qu’il y eût de l’être et non pas plutôt rien ; ou que ce rien – en matière de raisons d’être – ait justement délivré l’existence d’avoir à se justifier d’être-là, sans plus, sans moins. Pensons par exemple à Schelling écrivant : "À quiconque le considérerait abstraction faite de son espèce et de sa forme, le simple être-là (Dasein) devrait apparaître comme un miracle, et remplir l’âme d’étonnement : tout de même que c’est indéniablement cette expérience du pur être-là qui, dans les pressentiments les plus anciens, saisit les âmes d’effroi et d’une sorte de terreur sacrée [61]." Ni effroi ni terreur sacrée dans le bouddhisme certes, mais conscience tout aussi extatique, car non égotique, de la gratuité de l’être-là : "Ces montagnes bleutées qui vous comblent le regard et les univers perdus dans l’espace forment une seule terre de blancheur, où il n’est pas un atome de réalité sur lequel vous puissiez théoriser. Ainsi les sons et les formes sont tous l’œil de connaissance du Bouddha", disait par exemple Houang-Po [62].

Ce n’est donc pas fondamentalement telle ou telle divergence doctrinale qui marque la distance la plus irréductible entre Sartre et le bouddhisme Zen, car des convergences philosophiques, des perspectives ponctuellement communes peuvent également, nous l’avons montré, être dégagées. Mais le bouddhisme nettoyant radicalement la vision des vues erronées – autant dire des imputations mentales et verbales opposées ou contradictoires – c’est finalement la qualité même du regard porté sur le monde qui creuse, définitivement cette fois-ci, l’écart entre les deux.

Françoise Bonardel (mars 2004, version révisée de 2008)


Notes

[1] A Collection of Zen & Pre-Zen Writings, New York, Anchor Books, Doubleday & Company, traduction française, Le Zen en chair et en os, Paris, Albin Michel, 1993.
[2] Cf. "Ineffable vide", Le Vide, Hermès, Paris, Les Deux Océans, 1981, pp. 222-226.
[3] Henri Michaux, Les grandes épreuves de l’esprit, Paris, Gallimard, 1966, p. 15.
[4] Jean-Paul Sartre, Plaidoyer pour les intellectuels, Paris, Gallimard (Idées), 1972.
[5] Shunryû Suzuki, Esprit zen, Esprit neuf, traduction française, Paris, Seuil, 1977, p. 156.
[6] Cité par Jacques Brosse, Zen et Occident, Paris, Albin Michel, 1992, p. 14.
[7] Paul Masson-Oursel, La philosophie comparée, Paris, Alcan, 1931, p. 22.
[8] Polir la lune et labourer les nuages, Œuvres de maître Dôgen présentées et traduites par Jacques Brosse, traduction française, Paris, Albin Michel, 1998, p. 58.
[9] Martin Heidegger, Nietzsche, traduction française, Paris, Gallimard, 1971, t. II, pp. 32 et 48.
[10] Les fleurs du vide : Anthologie du bouddhisme Sôtô Zen, textes réunis et traduits par Éric Rommeluère, Paris, Grasset, 1995, p.106.
[11] Op. cit., p. 48.
[12] Op. cit., p. 121.
[13] "Bouddha", revue Mesures, n° 2, avril 1935, p. 149.
[14] L’essence du bouddhisme, traduction française, Paris, Le Cercle du Livre, 1955, p. 84.
[15] "L’homme intérieur dans le bouddhisme Zen", Les Études philosophiques (Philosophies orientales et extrême-orientales) oct.-déc. 1983, p. 428.
[16] "Une approche possible de Sûnyavâda", Tel Quel, n°32, hiver 1968, pp. 54-62.
[17] La Figure du dehors, Paris, Grasset, 1982, p. 230.
[18] Jacques Brosse, Zen et Occident, Paris, Abin Michel, 1992, p. 230.
[19] Paul Ricœur, "Sur la phénoménologie", Revue Esprit, oct. 1953, n° 209, p. 821.
[20] "Pourquoi le non-dualisme asiatique ?", Revue philosophique, n° 2, 1978, p. 163.
[21] Kenneth White, op. cit., p.148.
[22] Les fleurs du vide, op. cit., p. 40.
[23] Essais sur le bouddhisme Zen, traduction française, Paris, Albin Michel, 1972, première série, p. 415.
[24] Yoka Genkaku, Shôdôka, Les fleurs du vide, op. cit., p. 68.
[25] Essais sur le bouddhisme Zen, deuxième série, p. 47.
[26] Op. cit., troisième série, p. 316.
[27] Op. cit., p. 351.
[28] Discours et sermons, traduction française, Paris, Albin Michel, 1984, p. 56.
[29] Le Traité de Bodhidharma, traduction française, Aix-en-Provence, Le Mail, 1986, p. 117.
[30] Heinrich Zimmer, "Bouddha", op. cit., p. 140.
[31] F. W. J. Schelling, Philosophie de la mythologie, traduction française, Grenoble, Millon, 1994, pp. 333 et 376.
[32] Le traité de Bodhidharma, op. cit., p. 92.
[33] Op. cit., pp. 118 et 110.
[34] Houang-Po, Entretiens, traduction française, Paris, Seuil, 1985, p. 43.
[35] Essais sur le bouddhisme Zen, troisième série, p. 337.
[36] Esprit Zen, Esprit neuf, op. cit., p. 40.
[37] Polir la lune et labourer les nuages, op. cit., p. 44.
[38] Jean-Paul Sartre, L’être et le néant, Paris, Gallimard (Tel), 1943, pp. 125-126.
[39] Op. cit., p.129.
[40] Houang-Po, Entretiens, op. cit., pp. 111-112.
[41] Cf. en particulier la fameuse formule de La Science de la Logique : "Or, cet être pur est l’abstraction pure, partant l’absolument-négatif qui, pris pareillement en son immédiateté, est le néant." Traduction française, Paris, Vrin, 1986, p. 202, §40.
[42] L’existentialisme est un humanisme, Paris, Nagel, 1962, p. 22.
[43] La transcendance de l’ego, Paris, Vrin, 1965, p. 21.
[44] Situations I, Paris, Gallimard, 1947, pp. 29-32.
[45] La transcendance de l’ego, op. cit., p. 39.
[46] L’être et le néant, op. cit., p. 129.
[47] Hegel, Phénoménologie de l’esprit, traduction française, J. Hyppolite, Paris, Aubier, 1950, t.1, pp.176 sq.
[48] Søren Kierkegaard, Le Concept d’angoisse, O. C., traduction française, Paris, Éditions de l’Orante, 1973 ; Martin Heidegger, "Qu’est-ce que la métaphysique ?", Questions I, traduction française, Paris, Gallimard, 1968, pp. 57 sq.
[49] L’existentialisme est un humanisme, op. cit., pp. 28 sq.
[50] L’être et le néant, op. cit., p. 67.
[51] Op. cit., p. 71.
[52] F. W. J. Schelling, De la liberté humaine, Essais métaphysiques, traduction française, Paris, Gallimard, 1980, p.188.
[53] Jean-Paul Sartre, La transcendance de l’ego, op. cit., pp. 64-70.
[54] Op. cit., p. 87.
[55] Op. cit., p. 70.
[56] Op. cit., p. 74.
[57] Longchenpa, La liberté naturelle de l’esprit, traduction française, Paris, Seuil, 1994.
[58] Jean-Paul Sartre, La nausée, Paris, Gallimard, 1938, Le Livre de Poche, 1956, p. 185.
[59] Jean Beaufret, De l’existentialisme à Heidegger : Introduction aux philosophies de l’existence, Paris, Vrin, 1986, 2000, p. 45.
[60] La nausée, op. cit., p. 189.
[61] F. W. J. Schelling, Œuvres métaphysiques, traduction française, Paris, Gallimard, 1980, p. 75.
[62] Entretiens, op. cit., p. 78.

© Françoise Bonardel, 2004, 2008. Reproduction interdite. [Télécharger et imprimer le texte complet au format pdf]


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