Katia Buffetrille et Charles Ramble, Tibétains, 1959-1999, quarante ans de colonisation, Paris, Autrement, collection "Monde", 2003, 224 pages, numéro ISBN : 286260822X, langue française.
Katia Buffetrille et Charles Ramble publient dans la collection "Monde" des Éditions Autrement une série d'articles dus, entre autres, à Robbie Barnett, George Dreyfus, Per Kvaerne et Samten Karmay dont la lecture est extrêmement enrichissante pour tous ceux qui s'intéressent au Tibet et à sa culture. Analysant le "nationalisme" tibétain, en fait un fort sentiment d'identité collective, George Dreyfus retrace la genèse de cette identité, de ce sentiment d'appartenance à une communauté plus qu'à un État-Nation, qui se traduit parfois par l'étrange paradoxe d'un habitant de l'Amdo ne se considérant comme "Tibétain" (Böpa) que pour se différencier radicalement de l'occupant chinois. Cette occupation, la résistance qu'elle suscite, et même la référence aux idées très modernes de démocratie et de droit des peuples provoquent et encouragent la revitalisation d'une "histoire nationale" héroïque, fondée sur l'exaltation des "rois vertueux" (les Chögyal), des textes cachés (les termas) et l'épopée de Guésar de Ling. Des gestes symboliques aussi, comme ces pèlerinages aux montagnes sacrées, Kaïlash ou Amnyé Machen, qu'a suivi et que retrace Katia Buffetrille, montrant la vitalité réconfortante de cette culture, malgré les épreuves subies. Ce phénomène de persistance, mais aussi de "naissance d'une nation" qui tend à exalter ce qui l'unit face à la cruauté de l'occupation coloniale, si elle a déjà été constatée dans l'histoire au Maghreb ou en Asie, s'exprime au Tibet de façon particulière, notamment à travers le partage de la religion bouddhique, laissant place néanmoins à "l'autre religion" comme l'appelle Per Kvaerne, le Bön. La lecture de cette revue éclaire considérablement la politique suivie avec constance par le Dalaï-Lama, notamment dans ses efforts pour renforcer le sentiment d'une appartenance commune, au-delà des écoles et des rituels. Le témoignage d'un "cadre" travaillant au service de l'administration chinoise mais s'affirmant profondément tibétain et proche des idées du Dalaï-Lama est un document exceptionnel, révélateur de cette résistance qui, pour n'être pas spectaculaire, n'en est pas moins réelle.
Recension : Jean-Paul Ribes (septembre 2003)
La quatrième de couverture
Tibet, terre de mythes, terre bouddhique. De colonisation aussi : en 1959, sa population fut brusquement confrontée à la Chine communiste. Quarante ans plus tard, qu'en est-il au juste ? Comment la population peut-elle concilier son identité avec le joug chinois ? Quel bilan tirer de quatre décennies d'occupation ? Tandis que 1959 marque indéniablement la fin d'une époque, ce ne fut pas pour autant la fin du Tibet. Le Tibet n'a pas cessé de bouger depuis, et cet ouvrage étudie quelques-uns des changements survenus dans le pays. Les articles révèlent une réalité bien différente de ce que voient les touristes et cherchent à mettre en valeur certains aspects de cette société qui ont été jusqu'à maintenant négligés, voire absents de l'image conventionnelle construite en Occident.
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