Ce tableau présente les principales lignées de l'école sôtô moderne. Il ne s'agit pas nécessairement de lignées de transmission formelle plutôt de lignes d'influence. Le nom de famille est donné en premier avant le nom monacal ordinaire selon l'usage japonais. Il est à noter que les moines changent souvent de nom de famille après leur ordination et prennent celui de leur propre maître.
Les principaux représentants du courant mokushôzen (la méditation silencieuse)
Nishiari Bokusan Kin'ei (1821-1910). La plupart des maîtres contemporains de l'école sôtô se réfèrent aux enseignements de Nishiari Bokusan, une figure majeure de l'école sôtô pré-moderne. Ce moine représente l'archétype du "spécialiste ès-Shôbôgenzô" (jap. genzôka) qui passe la plus grande partie de sa vie dans l'étude des textes zen et plus particulièrement ceux de maître Dôgen.
Né Sasamoto Mankichi, Nishiari se fit bonze à l'âge de 12 ans sous la direction du maître Kinryû oshô au temple de Chôryûji. Il reçut le nom monacal de Kin'ei. Bokusan est le second nom de moine sous lequel il est plus généralement connu. En 1842, il reçut la transmission officielle (jap. dempô) du maître zen Ansô Taizen du temple Honnenji. Bien que rapidement nommé chef de temple, Nishiari se rendit ensuite au temple de Kaizôji pour approfondir ses études sur le Shôbôgenzô sous la direction du maître Gettan Zenryû (?-1865). Il y demeura douze ans. Sa biographie veut qu'il ait eu l'illumination (jap. satori) en entendant le maître Gettan prononcer, lors d'un enseignement formel, "le savoir et la vue ne dépendent pas des conceptions", une phrase du Sûrangama sûtra. Nishiari dirigea de nombreux temples notamment Kasuisai, Sôsanji, Hôsenji, Hôrinji, Hôkôji et Nyoraiji. En 1901, il fut nommé troisième abbé-permanent du monastère de Sôjiji. Il reçut à cette occasion le titre impérial de Jikishin Jôkoku zenji, "maître zen du royaume pur de la sincérité". Il devint finalement en 1902 supérieur général (jap. kanchô) de l'école sôtô. Il a laissé plusieurs livres de commentaires de textes zen chinois et d'ouvrages de Dôgen, somme toute d'une facture assez classique. Il eut quinze successeurs officiels, dont Kishizawa Ian (1865-1955) et Yasutani Ryôko (1885-1973).
Oka Daijun Sôtan (1860-1921). Il reçut la transmission de Tôken Mitetsu du temple de Senryûji, puis il étudia le Shôbôgenzô sous la direction de Nishiari Bokusan. Il dirigea plusieurs temples notamment ceux de Tôunji, Shuzenji et Daijiji. Il fut président de l'Université sôtô de Tôkyô. Il occupa également le poste d'administrateur (jap. kan'in) du monastère d'Eheiji. En 1921, il fonda le temple d'Antaiji à Kyôto. Parmi ses principaux disciples Oka Kyûgaku, Sawaki Kôdô et Hashimoto Ekô.
Kishizawa Minpô Ian (1865-1955). Il reçut l'ordination de Nishiari Bokusan en 1897 puis sa transmission en 1898. Il étudia également le Shôbôgenzô sous la direction d'Oka Sôtan. Le grand spécialiste du Shôbôgenzô à l'époque moderne, Kishizawa enseigna pendant treize ans aux classes de moines du monastère d'Eiheiji où il occupa également le poste de doyen (jap. seidô). Il dirigea plusieurs temples dont celui d'Antaiji. Il était connu pour sa pratique des prosternations. À force de se prosterner, il avait même une callosité sur le front! Il disait toujours : "Je voudrais me prosterner plus bas mais je suis arrêté par le sol!" Parmi ses disciples Suzuki Shunryû (1904-1971), fondateur du Centre Zen de San Francisco, Niwa Rempô (1905-1993), 77e abbé du monastère d'Eiheiji, Kichizawa Noiri et Yokoi Yûyô.
Akino Dainin Kôdô (1855-1938). Transmission de Katô Gen'ei du temple de Chôkôji. Il étudia également sous la direction de Nishiari Bokusan. Il fut éducateur (jap. godô) au monastère d'Eiheiji, abbé par rotation des temples de Daitô'in et Kasuisai, enfin 7e abbé-permanent de Sôjiji. Il fut également président de l'université de l'école sôtô à Tôkyô. Il reçut le titre impérial de Mokushô Entsû zenji, "maître zen de la clarté silencieuse omnipénétrante". Akino a laissé de nombreux livres de commentaires de textes zen.
Oka Kôjun Kyûgaku (1877-1953). Ordonné bonze à 13 ans, il suivit brièvement le maître Nishiari Bokusan au temple de Kasuisai puis, au temple de Tôunji, le maître Oka Sôtan dont il reçut la transmission. Il dirigea les temples de Senryûji, de Tôunji et de Shuzenji. Il reconstruisit le temple de Chokokuji à Tôkyô qui devint Eiheiji Betsu'in, la succursale du temple d'Eiheiji dans la capitale. Il fut éducateur (jap. godô) du monastère d'Eiheiji, doyen (jap. seidô) de Sôjiji puis d'Eiheiji, puis premier vice-abbé d'Eiheiji en 1952.
Sawaki Somon Kôdô (1880-1965). Né Tada Saikichi, Sawaki fut ordonné moine en 1898 par Sawada Kôhô du temple de Sôshinji. Il fut ensuite brièvement l'élève de Fueoka Ryuun. En 1916, il suivit le maître Oka Sôtan au temple de Daijiji qu'il quitta six ans plus tard après la mort d'Oka. En 1935, il devint éducateur (jap. godô) au monastère de Sôjiji et professeur à l'université zen de Komazawa. En 1940, il fonda le centre Tengyô Zen'en au temple de Daichûji. En 1949, il reprit la direction du temple d'Antaiji abandonné pendant la guerre. Ses deux principaux disciples furent Tokugen Sakai (1912-1996) et Uchiyama Kôshô (1912-1998).
Hashimoto Rendô Ekô (1890-1965). Ordination (1903) puis transmission (1911) de Nakamura Renshû du temple Ungoji. Il suivit les enseignements de Nakamura Senshû puis, au temple de Shuzenji, celui d'Oka Sôtan. Il fut doyen (jap. seidô) du monastère d'Eiheiji et abbé des temples de Zuiôji et de Hôkyôji. Parmi ses disciples, Narazaki Ikkô (1918-1996), abbé du temple de Zuiôji et vice-abbé du monastère d'Eiheiji, et Katagiri Dainin (1928-1990), fondateur du Minnesota Zen Meditation Center aux États-Unis.
Les principaux représentants du courant kannazen (le zen des kôan)
Harada Sogaku Daiun (1871-1961). Il reçut l'ordination (1883) ainsi que la transmission sôtô (1895) du maître Harada Sodô (1844-1931). Il étudia ensuite sous la direction de plusieurs maîtres importants de l'école sôtô comme Oka Sôtan, Akino Kodô, Oshimi Tenkai (1833-1913) et Adachi Tatsujun, mais qui, tous, le laissèrent insatisfait. Il entra finalement au monastère rinzai de Nanzenji à Kyôto où il s'exerça à la pratique des kôan sous la férule du sévère Toyota Dokutan (1840-1917). Après plusieurs années d'entraînement, ce dernier lui conférait le traditionnel sceau d'approbation (jap. inka). Harada devenait ainsi l'un de ses successeurs dans la lignée des maîtres rinzai Hakuin Ekaku (1685-1768) et Takujû Kosen (1760-1833).
En 1922, Harada Sogaku prit la direction du temple sôtô d'Hosshinji, dans la préfecture de Fukui, où il développa son propre système, synthèse des enseignements sôtô et rinzai. Il modifia le curriculum traditionnel des kôan tel qu'il était pratiqué dans la lignée de Takujû Kosen, demandant à ses disciples de travailler conjointement sur quatre collections de kôan compilées à l'époque Song (Xe-XIIIe siècles), deux par des moines sôtô, deux par des moines rinzai. Parmi ses disciples Yasutani Ryôhô (1885-1973), Taji Genki (1889-195), Ishiguro Hôryû, Ban Tetsugyû (1910-1996) et Iida Tôin (1863-1937).
Watanabe Genshû Hongyô (1869-1963). Il reçut l'ordination et la transmission du maître sôtô Watanabe Shunryû. Il étudia ensuite le bouddhisme tendai au mont Hieizan, le siège de cette école, le zen sôtô aux temples d'Eiheiji et de Kasuisai, puis le zen rinzai au monastère d'Engakuji. S'exerçant également aux kôan, il reçut le sceau d'approbation (jap. inka) d'Harada Sogaku. Watanabe occupa plusieurs postes importants dans l'école sôtô, il fut vice-administrateur (jap. fuku kan'in) et éducateur (jap. godô) du monastère d'Eiheiji, enfin doyen (jap. seidô) puis 17e abbé du monastère de Sôjiji (de 1944 à 1957). Il reçut le titre impérial de Enkai Fumai zenji, "le maître zen miroir rond sans obscurité".
Iida Tôin Daiken (1863-1937). Iida exerça la médecine la plus grande partie de sa vie. Tout en demeurant laïc, il pratiqua sous la direction du maître sôtô Nishiari Bokusan puis sous celle des maîtres rinzai Kagawa Kanryô et Nantembô. En 1920, il rencontra Harada Sogaku qui lui donna, deux ans plus tard, l'ordination zen dans son temple d'Hosshinji. Après avoir accompli le cursus complet des kôan, il reçut également la transmission zen d'Harada. En 1931, Iida ouvrit un centre zen à Ôsaka, le Shôrinkutsu Dôjô.
Yasutani Ryôkô Hakuun (1885-1973). À l'âge de 16 ans, il devint l'assistant de Nishiari Bokusan au temple de Denshinji dont il reçut ensuite la transmission zen. En 1925, il participa à une retraite animée par Harada Sogaku et commença à pratiquer sous sa direction. En 1943, il reçut finalement son sceau d'approbation (jap. inka). Particulièrement intransigeant, Yasutani se sépara formellement de l'école sôtô pour créer en 1954 sa propre organisation, la "Société des trois trésors" (Sambô kyôdan). Parmi ses disciples Robert Aitken (1917), Philip Kapleau (1912-2004), Maezumi Taizan (1931-1995) et Yamada Kôun (1907-1989).
À lire :
Heinrich Dumoulin, Zen Buddhism: A history, volume 2, Japan, New-York, Macmillan Publishing Company, 1990. Une histoire du zen au Japon. La référence.
Arthur Braverman, Living and Dying in Zazen: Five zen Masters of Modern Japan, New-York, Weatherhill, 2003. Un livre vibrant sur le zen de Sawaki Kôdô et de ses successeurs.
Philip Kapleau, Les trois piliers du zen, Paris, Stock, 1972. Sur l'orientation et la pratique d'Harada Sogaku et de Yasutani Ryôkô.
Brian Victoria, Le Zen en guerre 1868-1945, Paris, Éditions du Seuil, 2001. Pour démystifier. [Lire un compte rendu de lecture sur le site].
Brian Victoria, Zen War Stories, London, RoutledgeCurzon, 2003. La suite du précédent livre.
Sur le site :
Sesshin sans jouets, un enseignement de Uchiyama Kôshô, successeur de Sawaki Kôdô
La voie des patriarches, une lettre de Yokoyama Sôdô, un second successeur de Sawaki Kôdô
La voie de zazen, un opuscule écrit par Fujimoto Rindô, un disciple d'Harada Sogaku et de Iida Tôin auquel il succéda à la tête du centre de Shôrinji
Reproduction interdite. Télécharger et imprimer le texte complet de cet article au format pdf.
Vous êtes ici : Sommaire général >>> Gudô >>> Les figures de l'école Sôtô moderne