Dans la version chinoise, Le Sûtra de Vimalakîrti est découpé en quatorze chapitres. La narration suit un mouvement général fait de multiples scansions marquées par le passage de ces chapitres eux-mêmes. Elle se laisse pourtant ramener à trois grandes parties, pour reprendre la division traditionnelle, l’enseignement du prologue, l’enseignement principal et l’enseignement de diffusion.
L'enseignement du prologue
Le texte débute par une large introduction, qui annonce et anticipe l'enseignement qui sera délivré par Vimalakîrti dans sa chambre : la doctrine de l’inconcevable. Selon le découpage proposé par l’exégèse chinoise, ce prologue (jôsetsu) couvre, non seulement le premier chapitre, comme dans la plupart des autres sûtra du Grand Véhicule, mais quatre chapitres entiers à savoir "Les royaumes des Bouddhas", "Les moyens habiles", "Les disciples" et "Les bodhisattvas" (ces deux derniers étant confondus en un seul chapitre dans la version tibétaine).
Le premier chapitre intitulé "Les royaumes des Bouddhas", voit apparaître Amas-de-Joyaux, un jeune notable de la cité de Vaishâlî, qui vient rendre hommage au Bouddha qui se trouve alors au parc dAmrapâlî près de la ville et lui offrir avec cinq cents de ses compagnons autant de parasols. Le Bouddha les transforme magiquement en un seul parasol sous lequel lassemblée réunie voit apparaître toutes les terres pures, les domaines où enseignent la multitude des Bouddhas dans les dix directions. Le Bouddha va alors révéler quelles sont les activités des bodhisattvas dans ces terres pures et enseigner le sens même de la purification.
Le second chapitre "Les moyens habiles" rompt immédiatement le ton. Une rupture qui est plus qu'un changement de décor. Le début du chapitre est consacré à l'éloge d'un notable de Vaishâlî, le dénommé Vimalakîrti. Il s’agit en réalité d’un bodhisattva accompli et nous y apprenons tout de ses actes qui sont autant de moyens habiles qu’il utilise pour convertir les êtres à la doctrine du Grand Véhicule. Le retour au fil de l’histoire va s’amorcer dans la seconde partie du chapitre, Vimalakîrti devenant malade. Il va utiliser ce stratagème pour prodiguer son enseignement.
Une collusion va se nouer au début du troisième chapitre "Les disciples" entre le Bouddha et Vimalakîrti. Ce dernier appelle intérieurement le Bouddha et le Bouddha entend son appel. Pourquoi est-il malade ? Le Bouddha va requérir les disciples présents et plus particulièrement chacun de ses dix grands disciples de se rendre au chevet de Vimalakîrti. En effet, pourquoi est-il malade ? Chaque disciple va décliner l’invitation, narrant comment il a été un jour défait par Vimalakîrti. Tous arguent de leur incapacité à relever le défi. À chaque refus, se dévoilent un peu plus les extraordinaires enseignements de Vimalakîrti.
Au quatrième chapitre, le Bouddha s’adresse aux bodhisattvas. Mais à leur tour, ceux-ci vont également refuser. Dans ce mouvement dramatique où l’enquête sur la maladie de Vimalakîrti semble de plus en plus impossible, il y a pourtant une progression qui, pas à pas, nous emmène à l’essentiel.
L'enseignement principal
Cet essentiel se dévoile à partir du cinquième chapitre intitulé "Mañjusrî s’enquiert de la maladie". Le bodhisattva Mañjusrî relève enfin et lui seul le défi de la discussion. Nous sommes arrivés au cœur du texte, l’enseignement principal (shôsetsu), qui va couvrir au total près de huit chapitres. La chambre vide de Vimalakîrti devient le lieu même de linconcevable. Vimalakîrti lui enseigne et la vacuité et ce quest le chemin du bodhisattva. Mais dans ce chapitre Vimalakîrti ne se montre encore que sous les traits d'un malade. Il ne parle que de linconcevable sans encore le montrer.
C’est au sixième chapitre qui s’intitule précisément "l’inconcevable" que Vimalakîrti atteste de ses pouvoirs en faisant entrer trente-deux mille trônes pour l’assemblée car comme lui-même l’explique : au bodhisattva réalisé, rien dimpossible.
Les six chapitres qui vont de "Mañjusrî s’enquiert de la maladie" au chapitre "Le Bouddha Monceau-de-parfum" forment une unité car l'action continue de se dérouler dans la chambre de Vimalakîrti. Les deux chapitres suivants formeront une transition, Vimalakîrti et Mañjusrî revenant ensemble au parc d’Amrapâlî suivis d'une multitude de disciples et de bodhisattva qui attendent la rencontre avec le Bouddha, différée depuis le début du texte.
L'enseignement de diffusion
Linconcevable est enfin totalement divulgué. Le sûtra se clôt par une partie finale dite lenseignement de diffusion (rutsûsetsu) formée de la dernière partie du douzième chapitre (depuis la phrase "Le bouddha dit à Shâriputra : Avez vous vu l’univers des Plaisirs transcendants et le tathâgata Imperturbable ?" et des deux derniers chapitres, "L’offrande de la loi" et "La remise"). Comment s’en remettre à la loi après la mort du Bouddha ? Il s’agit comme dans tous les textes du Grand Véhicule de s’en remettre à ces textes eux-mêmes jusqu’à les vénérer en son cœur.
Le texte se prend alors comme son propre objet. Le narrateur Ananda qui est supposé être la voix par laquelle une trace pourra être écrite rapporte que les paroles du Bouddha sont déjà un texte écrit, Le Sûtra de Vimalâkîrti : "Tout être qui aura entendu ce sûtra, aujourd’hui ou après l’extinction du Bouddha, en tirera les mêmes bienfaits. Plus encore ceux qui l’ayant entendu, y ajouteront foi, le comprendront, le recevront et le retiendront, le commenteront, l’enseigneront et le pratiqueront selon le dharma."
Le chapitre quatorze "La remise" (les deux derniers chapitres sont confondus en un seul dans la version tibétaine) voit enfin le texte remis successivement au bodhisattva Maitreya et au disciple Ananda.
Chapitre 1. Les royaumes de Bouddha
Introduction : Le Bouddha se trouve à Vaishâlî avec une assemblée composée de 8.000 moines et de 32.000 bodhisattvas. Les qualités des bodhisattvas. Noms dune cinquantaine de bodhisattvas présents, la liste se clôt par "le bodhisattva Maitreya" et "le bodhisattva, le prince de la loi, Mañjusrî". Des dieux, des divinités et autres êtres surnaturels participent également à lassemblée.
Arrivée de Monceau-de-Joyaux accompagné de 500 jeunes hommes, comme lui fils de maîtres de maison. Le Bouddha transforme miraculeusement les 500 parasols offerts en un unique parasol qui recouvre toute la multiplicité des univers.
Stance de louanges au Bouddha par Monceau-de-Joyaux.
Question de Monceau-de-Joyaux sur la purification des champs de Bouddha : comment les bodhisattvas parviennent-ils aux royaumes et aux terres de Bouddha ? Réponse du Bouddha : les êtres sont en eux-mêmes la terre du Bouddha des bodhisattvas. Toutes les qualités propres du bodhisattva forment sa terre pure. Par une succession de purifications, le bodhisattva atteint la pureté de lesprit. La pureté de lesprit est la clé du chemin du bodhisattva.
Shâriputra se demande intérieurement si le Bouddha, dans son état antérieur de bodhisattva, concevait des pensées impures car la présente terre de Bouddha apparaît impure. Le Bouddha, connaissant sa pensée, lui répond que sa terre est pure mais que lui ne le voit pas. Un roi-Brahmâ confirme.
Le Bouddha presse alors lorteil sur le sol et cet univers se pare aussitôt de multiples ornements. Le Bouddha demande à Shâriputra de contempler la pureté de cette terre. Une multitude dêtres réalisent alors divers états de libération.
Chapitre 2. Les moyens habiles
Présentation de Vimalakîrti, un maître de maison de la ville de Vaishâlî. Ses pouvoirs, ses qualités, ses attitudes. Il excelle en moyens habiles pour sauver lhomme.
Vimalakîrti feint dêtre malade et tous viennent senquérir de sa santé. Sermon de Vimalakîrti sur le corps humain. Il faut préférer acquérir le corps de la loi, le corps du Bouddha.
Chapitre 3. Les disciples
Vimalakîrti se demande pourquoi le Bouddha ne lui témoigne pas dintérêt. Le Bouddha connaissant sa pensée demande à Shâriputra, le premier de ses disciples par la solitude, de senquérir de sa santé. Celui-ci refuse. Il se souvient dun enseignement de Vimalakîrti sur la méditation.
Le Bouddha demande ensuite à Maudgalyâyana, le premier de ses disciples par les pouvoirs miraculeux. Celui-ci refuse également. Il se souvient dun enseignement de Vimalakîrti sur la prédication.
Le Bouddha demande ensuite à Mahâkâshyapa, le premier de ses disciples par les austérités. Celui-ci refuse également. Il se souvient d’un enseignement de Vimalakîrti sur la mendicité.
Le Bouddha demande ensuite à Subhûti, le premier de ses disciples par l’apaisement (skt. arana). Celui-ci refuse également. Il se souvient dun enseignement de Vimalakîrti sur la nourriture.
Le Bouddha demande ensuite à Pûrna, le premier de ses disciples par la prédication. Celui-ci refuse également. Il se souvient dun enseignement de Vimalakîrti sur la nécessaire adéquation de lenseignement aux êtres.
Le Bouddha demande ensuite à Mahâkâtyâyana, le premier de ses disciples pour ses explications. Celui-ci refuse également. Il se souvient d’un enseignement de Vimalakîrti sur l’ineffabilité de la loi.
Le Bouddha demande ensuite à Aniruddha, le premier de ses disciples pour ses pouvoirs magiques. Celui-ci refuse également. Il se souvient d’un enseignement de Vimalakîrti sur l’œil divin.
Le Bouddha demande ensuite à Upâli, le premier de ses disciples pour la moralité. Celui-ci refuse également. Il se souvient dun enseignement de Vimalakîrti sur la pureté de lesprit.
Le Bouddha demande ensuite à Râhula, le premier de ses disciples à sexercer. Celui-ci refuse également. Il se souvient dun enseignement de Vimalakîrti sur le renoncement.
Le Bouddha demande ensuite à Ananda, le premier de ses disciples à lassister. Celui-ci refuse également. Il se souvient dun enseignement de Vimalakîrti sur le corps du Bouddha.
Finalement cinq cents disciples refusent.
Chapitre 4. Les bodhisattvas
Le Bouddha demande ensuite au bodhisattva Maitreya auquel il a prédit l’état de bouddha de s’enquérir de la santé de Vimalakîrti. Celui-ci refuse. Il se souvient d’un enseignement de Vimalakîrti sur l’éveil (skt. bodhi).
Le Bouddha demande ensuite au bodhisattva Paré-de-lumière. Celui-ci refuse également. Il se souvient d’un enseignement de Vimalakîrti sur l’aire de l’éveil (skt. bodhimanda).
Le Bouddha demande ensuite au bodhisattva Jagatindhara. Celui-ci refuse également. Il se souvient dun enseignement de Vimalakîrti aux filles de Mâra.
Le Bouddha demande ensuite à Sudatta. Celui-ci refuse également. Il se souvient dun enseignement de Vimalakîrti sur laumône.
Chapitre 5. Mañjusrî senquiert de la maladie
Le Bouddha demande ensuite au bodhisattva Mañjusrî. Celui-ci accepte. Une multitude de bodhisattvas, dauditeurs et de dieux le suivent pour écouter le dialogue des deux bodhisattvas. Il souffre car les êtres souffrent, il est malade par compassion. Comment soigner les malades. Comment contrôler son esprit. Sagesse et moyens habiles. Lattitude du bodhisattva.
Chapitre 6. Linconcevable
Vimalakîrti explique à Shâriputra le sens de la recherche de la loi qui est de ne rien rechercher.
Par ses pouvoirs miraculeux, Vimalakîrti fait entrer dans sa chambre trente deux mille trônes envoyés par le Bouddha Roi-de-la-lampe-du-Meru et invite chacun à sasseoir. Explication de Vimalakîrti sur les libérations inconcevables des bouddhas et des bodhisattvas qui leur permettent tous les prodiges. Emerveillement de Mahâkâshyapa.
Chapitre 7. La contemplation des êtres
Mañjusrî interroge Vimalakîrti sur la contemplation des êtres et sur lexercice de lamour et la compassion à leur égard.
Une déesse apparaît qui répand des fleurs dans l’assemblée. Elle tance Shâriputra qui essaye d’enlever les fleurs au nom de la règle monacale. Un dialogue s’ensuit entre la déesse et Shâriputra. Les huit merveilles de la chambre de Vimalakîrti.
Chapitre 8. La voie du Bouddha
Mañjusrî interroge Vimalakîrti sur le parcours dans la voie bouddhique. Il faut avancer dans labsence de voie. Les apparentes contradictions du bodhisattva. Vimalakîrti interroge à son tour Mañjusrî sur la famille des Ainsi-venus (skt. tathâgata). Les passions forment la famille des Ainsi-venus.
Le bodhisattva Corps-physique-omniprésent interroge Vimalakîrti sur sa famille et ses possessions. Les œuvres des bodhisattvas.
Chapitre 9. Laccession à la doctrine de la non-dualité
Vimalakîrti interroge plusieurs bodhisattvas sur l’accession à la doctrine de la non-dualité. Ils répondent en posant la non-dualité de trente et une paires opposées puis ils interrogent à leur tour Mañjusrî. Pour ce dernier, il s’agit de rien exprimer. Mañjusrî demande finalement son avis à Vimalakîrti qui garde le silence.
Chapitre 10. Le Bouddha Monceau-de-parfums
Shâriputra se demande intérieurement ce que lassemblée va manger. Vimalakîrti montre alors à lassemblée une terre de Bouddha où règne le Bouddha Monceau-de-parfums puis ce Bouddha qui partage son repas avec des bodhisattvas. Vimalakîrti fait apparaître un bodhisattva dapparition et lui commande daller quêter quelque nourriture auprès de ce Bouddha. Une fois fait, le bodhisattva dapparition sen retourne avec les neuf millions de bodhisattvas de cette terre. Chacun mange à satiété dans la chambre de Vimalakîrti. Vimalakîrti dialogue avec les bodhisattvas de la terre du bouddha Monceau-de-parfums sur les méthodes des bodhisattvas dans la terre du Bouddha Shâkyamuni.
Chapitre 11. Lactivité des bodhisattvas
Le parc d’Amrapâlî de la ville de Vaishâlî se rehausse d’une couleur dorée. Le Bouddha Shâkyamuni explique à Ananda que Vimalakîrti et Mañjusrî vont venir. Vimalakîrti emmène toute l’assemblée dans sa paume. Le Bouddha Shâkyamuni explique que la nourriture du Bouddha Monceau-de-Parfums permettra à tous de réaliser les diverses libérations. Il continue son prêche en exposant à Ananda les activités inouïes des bodhisattvas. Les bodhisattvas de la terre du Bouddha Monceau-de-parfums senquièrent de son enseignement. Enseignement sur linconditionné.
Chapitre 12. La vision du Bouddha Aksobya
Dialogue entre le Bouddha et Vimalakîrti sur la vision du corps du Bouddha. Le Bouddha explique à Shâriputra que Vimalakîrti vient de la terre du Bouddha Aksobya. Par ses pouvoirs magiques, Vimalakîrti dépose lunivers du Bouddha Aksobya devant lassemblée réunie. Bienfaits du sûtra.
Chapitre 13. Loffrande de la loi
Indra expose les bienfaits du sûtra. Acquiescement du Bouddha. Histoire du Bouddha Roi-des-médecins. Offrir les textes est le plus haut des dons.
Chapitre 14. La remise
Le Bouddha transmet au bodhisattva Maitreya. Les deux sortes de bodhisattva. Remise à Ananda. Titres du sûtra.
Ce texte est extrait de la préface de Entrer dans l'inconcevable : Lire Vimalakîrti d'Éric Rommeluère, un livre de commentaires sur le Sûtra de Vimalakîrti (à paraître). Reproduction interdite.