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Les instructions au cuisinier - Tenzo kyôkun

de Eihei Dôgen (1200-1253)


En 1237, le maître zen japonais Dôgen rédige en chinois un opuscule au ton enlevé qu'il intitule "Les instructions au cuisinier" (Tenzo kyôkun). Il y narre notamment quelques épisodes marquants de son périple en Chine dans les années 1223-1227. Ces récits autobiographiques avaient leur valeur pédagogique. L'entrée actuelle du Kôshôji à KyotoQuelques mois auparavant, Dôgen venait d'inaugurer le tout premier monastère zen du Japon près de Kyôto, le Kôshôji (ci-contre, l'entrée actuelle du Kôshôji) où il instaura les règles traditionnelles des monastères zen chinois, peu connues jusque-là. En Chine, ces complexes qui souvent rassemblaient des centaines de moines et de novices étaient dirigés par un abbé entouré de six directeurs et de six administrateurs selon le modèle gouvernemental chinois où l'empereur est flanqué de douze ministres. Dôgen institua ces mêmes fonctions pour le Kôshôji. L'un de ces administrateurs est le tenzo ou cuisinier, personnage essentiel des temples zen.

Dans ces instructions, Dôgen explique en détail le sens de cette fonction, la disposition d'esprit qui doit y présider. Il ne s'agit pas simplement de préparer un repas mais d'exprimer une action éveillée dans l'acte de cuisiner. Il rappelle que le poste était dévolu à un moine ancien et reconnu et donne quelques exemples de grands maîtres chinois qui occupèrent cette fonction. Cuisiner est une pratique totale, à la fois corporelle et mentale. Il évoque les trois dispositions d'esprit nécessaires : l'allégresse (kishin), la gentillesse (rôshin, lit. "l'esprit d'une vieille [grand-mère]", on pourrait mieux traduire par "la parentalité") et la largesse (daishin). Il donne des conseils pratiques et explique en détail un certain nombre de rituels liés aux repas.

L'ouvrage fut réuni avec cinq autres textes de Dôgen, tous écrits en chinois et consacrés à la vie monastique, sous le titre collectif de Eihei Shingi, "Les règles pures d'Eihei Dôgen". Ce volume collectif fut publié pour la première fois en 1667. La version révisée dite populaire, la plus communément utilisée, fut publiée en 1794. Ces Instructions ont toujours été très appréciées dans l'école sôtô. Le texte est riche, accessible et le ton vif. Souvent, la cuisine est interprétée dans un sens métaphorique. Il s'agit avec de telles recettes de cuisiner sa vie. À l'époque moderne, un maître japonais et un maître américain, ont chacun décliné ce thème dans leurs écrits. Il s'agit de Kôshô Uchiyama et de Bernard Glassman :

Zen Master Dôgen & Kôshô Uchiyama, Refining your life: From the Zen Kitchen to Enlightenment, translated by Thomas Wright, New York, Weatherhill, 1983. Les textes d'Uchiyama ont été originellement publiés en japonais sous le titre Jinsei ryôri no hon, "Comment cuisiner sa vie ?" Tout un programme...

Bernard Glassman & Rick Fields, Instructions to the Cook: A zen master's lessons in living a life that matters, New York, Harmony Books, 1996. Traduction française : Comment accommoder sa vie à la manière zen, Paris, Albin-Michel, 2002. Un extrait :

Comment trouvez les ingrédients ? Simplement en ouvrant les yeux et en regardant autour de soi. Nous prenons les matériaux à disposition, devant nous, et avec, nous préparons le meilleur repas possible. À chaque instant, nous travaillons avec ce que nous avons.
Notre corps est un ingrédient, nos relations sont des ingrédients. Nos pensées, nos émotions et toutes nos actions sont des ingrédients.
L'endroit où nous vivons, les feuilles qui tombent, la brume autour de la lune, la circulation dans les rues de la ville, le marché du coin, tous ces éléments sont nos ingrédients. Pour pouvoir voir les ingrédients étalés devant nous, nous devons ouvrir les yeux. D'habitude, nous créons nos propres limites, notre propre point de vue étriqué, notre propre monde, et nous ne regardons que là. Avec la pratique, notre territoire s'agrandit, et tous les objets du monde deviennent nos ingrédients. (pp. 39-40 de l'édition française).



"Les instructions au cuisinier" ont été traduites à de nombreuses reprises. Six traductions intégrales sont actuellement disponibles en anglais ou en français.

"Instructions for the Tenzo (Tenzokyôkun)", in Dôgen's Pure Standards for the Zen Community: A Translation of the Eihei Shingi, Translated by Taigen Daniel Leighton and Shoaku Okumura, Albany, State Uiversity of New-York Press, 1996, pp. 33-57. La traduction est remarquable. Shoaku Okumura est l'un des successeurs de Kôshô Uchiyama.

"Instructions for the Cook (Tenzo kyôkun)", in Nothing is Hidden: Essays on Zen Master Dôgen's Instructions for the Cook, Translated by Griffith Foulk, New York, Weatherhill, 2001, pp. 21-40. Une très bonne traduction, particulièrement lisible, qui plus est disponible en ligne sur le site du Soto Zen Text Project.

"Instructions for the Tenzo: Tenzokyôkun", translated by Arnold Kotler and Kazuaki Tanahashi, in Moon in a Dewdrop: Writings of Zen Master Dôgen, Edited by Kazuaki Tanahashi, San Francisco, North Point Press, 1985, pp. 53-66.

Instructions au cuisinier zen : Tenzo kyôkun, textes choisis et traduits du japonais par Janine Coursin, Paris, Gallimard - Le Promeneur, 1994. Une belle traduction française mais qui, dans son souci de lisibilité, s'écarte souvent du texte original. Il est vrai que les tournures de Dôgen ne sont pas toujours faciles à traduire.

"Instructions for the Zen Cook: Tenzo kyôkun" in Kôshô Uchiyama, Refining your life: From the Zen Kitchen to Enlightenment, New York, Weatherhill, 1983, Translated by Thomas Wright, pp. 1-19. Les paraphrases se mèlent à la traduction.

"Tenzo kyokun", in Yuho Yokoi, Regulations for Monastic Life by Eihei Dogen - Eihei genzenji shingi, Tôkyô, Sankibô, 1973, pp. 8-26.


[Un extrait] Dans leurs différentes tâches, tous les administrateurs et les directeurs [du monastère], tout autant que celui qui a cette charge [de cuisinier], doivent entretenir [en eux] l’allégresse, la gentillesse et la largesse.

Par allégresse, on entend une disposition joyeuse. Songez que si vous étiez né dans les cieux, vous seriez entravé par des plaisirs ininterrompus sans jamais avoir la possibilité de vous résoudre [à l’éveil] ni avoir l’opportunité de pratiquer. Comment pourriez-vous y préparer un repas à offrir aux trois trésors ? Entre toutes choses, les trois trésors sont ce qu’il y a de plus respectable et ce qu’il y a de plus élevé. Ni le souverain du ciel, ni les rois qui tournent [la roue] ne leur sont comparables. Il est dit dans les Règles Pures : "Respectée dans le monde, distinguée hors du monde, pure et inconditionnée, la communauté des moines est la précellence même." Vous avez maintenant la chance d’être né parmi les hommes et de [pouvoir] préparer un repas dont jouiront ces trois trésors. Comment ne pas y voir là une grande affinité karmique ? Voilà de quoi se réjouir totalement.

Songez également que si vous étiez né dans les destinées des enfers, des êtres affamés, des animaux ou des asura, ou encore dans [l’une des] huit conditions périlleuses, quand bien même vous chercheriez à vous en échapper par le pouvoir du sangha, vous ne pourriez préparer de vos mains un pur repas à offrir aux trois trésors. Dans de tels réceptacles de souffrance, on ne reçoit que de la souffrance, une fois le corps et l’esprit liés [par des liens karmiques]. [Mais] dans cette vie, vous avez déjà préparé ce [repas]. Il s'agit d'une vie et d'un corps dont vous devez vous réjouir. Il s’agit des excellentes conditions [accumulées au cours] d’immenses kalpa, il s’agit de leurs mérites impérissables. Puissiez-vous, par ces myriades de vies réunies en un seul jour et en un seul moment, préparer, faire ce [repas] et que se nouent d’excellentes conditions pour une dizaine de millions de vies. L’allégresse désigne la disposition d’esprit qui perçoit de cette façon. En vérité, même si vous deveniez un saint roi qui tourne la roue mais que vous ne prépariez un repas à offrir aux trois trésors, il n’y aura en fin de compte aucun avantage, ce ne serait [comparable qu’à] une bulle d’eau ou à une flammèche.


Traduction Éric Rommeluère. Reproduction interdite.


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