Isshô Fujita est né en 1954 dans la ville de Niihama, dans la préfecture d’Ehima au Japon. Touché par la pratique de la méditation dans la tradition de Kôdô Sawaki rôshi et de Kôshô Uchiyama rôshi, il arrêta ses études universitaires pour entrer au temple d'Antaiji où il fut ordonné comme bonze zen à l'âge de 29 ans. Pendant plus de vingt ans, il a animé le Valley Zendo à Charlemont dans le Massachusetts. Il vit aujourd'hui au Japon dans la préfecture de Kanagawa où il anime l'association "Polir la tuile". Dans ce texte descriptif, Isshô Fujita explique quelques-uns des aspects du kinhin, la méditation marchée.
Traduit de l'anglais et reproduit avec l'aimable autorisation de Meditation Pathways.
Dans la tradition Sôtô, on fait kinhin entre les moments dassise comme la enseigné Dôgen et comme lui-même lavait appris de son maître chinois, Nyojô. Le Hôkyôki mentionne que "souvent, Nyojô allait et venait entre les parties orientale et occidentale de la salle nommée Daikômyôzô pour lexpliquer à Dôgen." On pratique toujours kinhin comme une continuation de la méditation assise. Cest une façon de vivifier l'esprit et le corps sans interrompre le calme de la méditation assise. On sassoit cinquante minutes puis on fait kinhin une dizaine de minutes. On s'assoit, on marche, on s'assoit. Ceux qui le pratiquent pensent que le Bouddha marchait de cette manière. Dans certaines Écritures, il est mentionné que le Bouddha marchait lentement, l’esprit recueilli, dans les bois après s'être assis. Ce qu'on cultive dans l’assise, on l’applique dans la marche, par le mouvement. La méditation assise se continue mais sous une autre forme. Parfois, on parle du zazen en marche. On peut également lappliquer à des pratiques plus complexes comme la cuisine, le balayage ou le nettoyage. Quoi qu'on fasse, on le fait avec lesprit du zazen. "Juste" (shikan) est un mot essentiel, comme dans shikantaza, "juste s'asseoir", kinhin nest que "juste marcher". Unifié dans laction, on marche juste pour le fait de marcher, sans se préoccuper dun objet en particulier. La marche inclut beaucoup déléments comme la sensation des pieds sur le sol ou lorientation dans lespace - la conscience posturale. On ne peut toujours rester assis. C'est un sas entre la tranquillité de lassise, et le mouvement habituel qui permet de faire émerger la méditation dans la vie quotidienne. Kinhin est entre la marche et la station debout. On marche lentement, très lentement, au rythme de la respiration, de l’inspiration et de l’expiration. On écoute la respiration et on se meut à son rythme en respirant naturellement.
Nyojô enseigna avec compassion : "Quand vous vous levez pour marcher, vous devez pratiquer la méthode d'une respiration par demi-pas. On entend par là que lorsque vous déplacez votre pied, celui-ci ne dépasse pas la moitié dun demi-pas, le temps dune respiration." (Hôkyôki)
Nyojô dit : "Lorsque vous vous levez pour marcher, ne marchez pas en rond mais en ligne droite. Lorsque vous voulez tourner après vingt ou trente pas, tournez par la droite et non par la gauche. Et quand vous bougez les pieds, déplacez dabord le pied droit, puis le pied gauche." (Hôkyôki)
La position des mains a la même importance que dans l’assise. On doit rester attentif de telle façon que l'on puisse maintenir cette posture. La main gauche est refermée en un poing souple avec la main droite qui la recouvre. Dans l’assise, la main gauche repose sur la droite, mais en se relevant on les retourne en les appuyant doucement contre la poitrine. Certains laissent un petit espace, mais les mains doivent rester près du corps. Il n'est pas nécessaire de modifier la relation entre la main droite et la main gauche. Comme dans l’assise, les pouces se pressent très doucement. La position des yeux est identique à celle de la méditation assise, les yeux sont à moitié ouverts, le regard baissé devant soi, à quarante-cinq degrés. Une posture droite est essentielle dans l’assise comme dans la marche. Les yeux sont dans le même plan que les épaules, et le nez dans le même plan que le nombril. C'est la partie inférieure du corps qui avance lentement.
Comme dans l’assise, il n’y a pas d’obstacle à la marche. On se lance et l'on n'est lié ni par le corps ni par un quelconque ordre du jour. On marche avec l'espace, le sol, la pièce et le monde entier. En marchant, on découvre cela naturellement. Ce n'est pas le résultat d'un effort mais un produit naturel du juste-marcher. Ce n’est donc pas quelque chose qu'on essaye de faire ou de fabriquer, c’est un don du dharma. Pour que cela fasse sens, il faut que ce soit un don venant de la pratique et non l'essai d'une fabrication. Pour Dôgen, lorsque quelqu’un s'assoit, tout le monde s'assoit, lorsqu’un quelqu’un fait kinhin, tout le monde fait kinhin.
En se levant du coussin, on sincline deux fois, on tourne par la droite et on se retrouve lépaule droite dirigée vers le centre de la pièce, à la perpendiculaire de la position qu'on avait face au mur. On prend la position des mains, on respire deux fois puis on commence une respiration, avec un pied, car la respiration est lente. Si lon est tranquille debout, la respiration est relâchée et lente. On respire et lon bouge comme si lair emplissait la plante des pieds. Le corps est vide comme le bambou. On marche lentement avec grâce et dignité. On lève le pied légèrement, on pose le talon en premier puis on appuie jusquaux orteils au fur et au mesure que lon expire. Le pied appuie graduellement sur le sol pour sancrer fermement dans le sol. Pendant un bref instant, on reste tranquillement sans bouger car lexpiration se poursuit un moment. Au début de l'inspiration, on bouge lautre pied. Au son de la cloche on ramène les deux pieds lun à côté de lautre et on s'incline. On revient à son coussin, on s'incline deux fois et on sassoit. Ce quon appelle le gasshô.
Photographies : Mahan Rishi Singh Khalsa. Version anglaise originale Meditation Pathways. Reproduction interdite. [Télécharger et imprimer le texte complet au format pdf]
Sur le site :
Kinhin, la meditación andando, la version espagnole.
Zazen est différent de la méditation, un cours d'Isshô Fujita donné au Bare Center for Buddhist Studies (Massachusetts) en mars 2002.
Zazen no es lo mismo que meditación, la version espagnole.
Sesshin sans jouets, un enseignement de Kôshô Uchiyama rôshi, le maître d'Isshô Fujita
Sesshin sin juguetes, la version espagnole.
Pour vous qui avez décidé de devenir moine zen, un texte de Kôshô Uchiyama rôshi
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