Un texte court, mais dense, composé en chinois par Keizan Jôkin (1268-1325), le troisième successeur de Eihei Dôgen (1200-1253), qui introduisit le zen de l'école sôtô au Japon. En 1680, Manzan Dôhaku (1635-1714) en découvrit un exemplaire dans la librairie du monastère de Daijôji et le publia avec les "Règles pures de Keizan" (Keizan shingi), un recueil sur les règles monastiques.
À lire sur Keizan :
En anglais, une traduction anglaise du "Recueil de la transmission de la lumière", Transmission of Light : Zen in the art of Enlightenment by Zen master Keizan, translated and with an introduction by Thomas Cleary, New-York, Weatherhill, 1992.
En anglais, sur l'imaginaire de Keizan, Bernard Faure, Visions of Power : Imagining Medieval Japanese Buddhism, Princeton, Princeton University Press, 1996.
Sur le site :
Un extrait du Denkôroku, "Le recueil de la transmission de la lumière" de Keizan
Une biographie de Keizan publiée en 1915 en anglais par l'école sôtô
La méditation d'une qualité supérieure ne consiste pas à étudier l'affaire pour laquelle les bouddhas sont apparus en ce monde ni à séveiller au mystérieux que les bouddhas et les patriarches n'ont pas transmis. Lorsqu'on a faim, on mange, lorsqu'on est fatigué, on dort. On ne prend pas les multiples phénomènes pour le soi. L'étude comme l'absence d'étude n'y ont plus place. On s'assoit simplement droit dans une naturelle magnificence. On ne différencie pas entre les phénomènes, quoique les dix mille phénomènes ne soient pas confondus.
Dans la méditation d'une qualité médiane, on délaisse les dix mille choses et l'on se repose des objets sans qu’il y ait la moindre interruption tout au long des douze heures. On s'exerce concentré à suivre l’expiration et l’inspiration. À moins qu’on prenne un cas ou qu’on pose le regard sur l’extrémité du nez. Son propre visage originel n'éprouve plus le va et vient des naissances et des morts. Le merveilleux principe de la véritable ainséité [qui est] la bouddhéité, ne tombe pas dans les jugements et les différenciations. Dans l'incompréhension et l'inconnaissance, il n'est rien qui ne soit compris. [Ce principe] a distinctement traversé le passé et pénétré le présent. Clairement dans ce monde des dix directions, le corps tout entier apparaît seul au milieu des dix mille formes.
Dans la méditation d'une qualité inférieure, on fait grand cas de créer les conditions et lon sépare le bien et le mal des actes. On découvre la nature foncière des bouddhas [par la maxime] "l'esprit en tant que tel". Les pieds fixés dans la terre de bouddha n'entrent pas dans les voies du mal. Les mains fixées dans le sceau de la concentration ne se saisissent pas des rouleaux de sûtra. La bouche fermée, comme cousue, comme scellée, ne dit rien. Les yeux ouverts, ni à peine, ni en grand, ne distinguent pas les formes. Les oreilles n'écoutent pas les voix du bien et du mal. Le nez ne sent pas les parfums de l'amour et de la haine. Le corps ne s'appuie sur rien et les mouvements s'arrêtent d'un coup. La conscience n'adhère plus à quoi que ce soit. Le chagrin comme la joie disparaissent tous deux. Lapparence comme telle a tout dun bouddha de bois. Même si dans l'esprit apparaissent toutes sortes de pensées illusoires ou de méprises, on ne commet ces erreurs. Pour donner une image, c'est comme de laisser se balancer des ombres sur un miroir clair. Les cinq et huit préceptes, les grands préceptes de bodhisattva, ceux complets de bhiksu, les trois mille attitudes, les quatre-vingt mille minutieuses activités, la mise en branle de la roue de la merveilleuse loi des bouddhas et des bodhisattvas, apparaissent tous à partir de cette méditation assise sans jamais s'épuiser. Entre les dix mille actions, la plus haute des pratiques authentiques n'est que cette seule méthode de méditation assise. Lorsqu'on s’assoit un instant, on amasse un mérite supérieur à [celui de] bâtir cent mille et d’innombrables temples et monastères. A fortiori, comment serait-il donc possible de régresser en pratiquant continuellement ? À se libérer longuement de la naissance et de la mort, on verra le bouddha en son propre esprit. [Les quatre attitudes de] marcher, se tenir debout, s’asseoir et s’allonger ne sont que les merveilleuses actions de l'inactivité. [Les quatre fonctions cognitives de] voir, entendre, sentir et connaître, forment ensemble la lumière spirituelle de l'être originel. On ne fait pas de distinction entre le débutant et le confirmé, pas plus qu'on ne juge entre l’éclairé et l’ignorant.
En pratiquant une telle méditation assise avec soin on ne peut plus l'oublier.
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