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Dôgen - Une biographie (dixième partie)


Les dernières années à Eiheiji

En 1247 (le 3 du huitième mois), Dôgen part à Kamakura, non vraisemblablement à l’invitation du shôgun Tokiyori, protecteur d'Enni Ben'en, comme le laisse entendre le Kenzeiki, mais pour se rendre auprès d’Hatano Yoshishige qui y avait sa résidence habituelle. Il y restera plus de six mois jusqu’au 13 du troisième mois 1248. Cette période de sa vie est obscure. Il nous reste juste une dizaine de poèmes japonais (waka en cinq vers) de cette époque qui sont d’ailleurs peut-être apocryphes. Dans l’un de ceux-ci au ton doux-amer, il écrit :

Tazune iru miyama no oku no sato so moto,
Ware sumi narashi miyako narikeru.

J'ai cherché mon village natal dans les profondeurs des montagnes
Mais voilà que je m'habitue à la vie citadine.

Son absence prolongée semble avoir laissé de l’amertume parmi les moines. Le lendemain de son retour, il tient le discours suivant (consigné dans le Eihei kôroku) :

Le troisième jour du huitième mois de l’année passée, j’ai quitté cette montagne et j’ai rejoint le district de Kamakura dans la province de Sôshû où j’ai enseigné la loi pour mon protecteur et disciple laïque. Hier, je suis revenu au monastère et ce matin je monte en chaire. Certains ont douté de cette opportunité [en disant] : "Traverser tant de montagnes et de rivières pour enseigner la loi à un disciple laïque, on dirait qu’il fait grand cas des laïcs et si peu des moines." Ou bien : "Y aurait-il une loi qui n’aurait pas été enseignée ou une loi qui n’aurait pas été entendue ?" Pourtant, il n’y a pas de loi qui n’ait été enseignée, ni de loi qui n’ait été entendue. Je lui ai juste dit : "Qui cultive le bien s’élève, qui commet le mal s’abaisse, cultiver la cause se répercute sur le fruit, jeter la tuile et ramasser la pierre précieuse." Néanmoins, cette opportunité montre le savoir-voir, le savoir-enseigner, le savoir-croire et le savoir-pratiquer du vieux bougre d’Eihei. Moines, voulez-vous en connaître le principe ?

Après un moment il dit :

N’est-il pas insupportable que ma langue parle sans raison de la cause et du fruit ? Combien d’erreurs avez-vous commis dans votre effort concentré et dans la négociation de la voie ? Il est pitoyable que vous soyez devenu aujourd’hui des buffles d’eau. Ce sont mes phrases pour enseigner la loi et mes phrases pour mon retour dans la montagne. Comment le dire ?

Je suis parti plus d’une demi-année,
C’est comme si l’astre rond et solitaire était resté fixé dans le vide.
Aujourd’hui, je reviens dans la montagne, les nuages se réjouissent,
L’amour que j’ai des montagnes est plus fort qu’avant.

Il attire alors les nobles locaux et les villageois des montagnes environnantes qui participent aux récitations mensuelles des préceptes bouddhiques (fusatsu). En 1248, il expulse un certain Gemmyô qui occupait alors les fonctions de chef des moines (shuso). Les motifs sont peu clairs, l’expulsion et même la destruction du bord de l’estrade qu’il occupait étant sans commune mesure avec l’impolitesse qui lui était reprochée. Cette histoire est peut-être une invention ultérieure, le nom même du moine évoquant la duplicité (Gemmyô signifie "obscur-clair"). Elle renvoie peut-être à une tension entre les membres de la communauté qui aboutira d’ailleurs, quelques années après la mort de Dôgen, à un schisme réel.

Le seigneur de Saimyôji, afin de parfaire l’esprit de ses vœux, demanda au gouverneur de la sixième route dans la province d’Echizen de faire une contribution au domaine d’Eiheiji de deux mille koku de sa résidence. Mais finalement, le maître ne l’accepta pas et la renvoya.

Un vieux moine demanda à Gemmyô, le premier siège d’Eiheiji, d’être l’envoyé chargé du [retour de] la lettre officielle de contribution. Il se gaussa en disant "chargé de la donation du gouverneur de la sixième route, voilà un nom éminent pour un moine stupide" et il importunait la communauté. Le maître l’ayant entendu se dit "il y a de la perversité dans cet esprit satisfait" et aussitôt il le chassa, il fit enlever la bordure de l’estrade dans la salle communautaire où Gemmyô méditait et fit laisser un trou de sept shaku dans le sol. C’était sans précédent. (Kenzeiki)

À partir de 1248, Dôgen signe du nom de Kigen ("Rare mystère"). On a pu croire qu’il s’agissait d’un titre posthume mais ce nom apparaît bien comme une signature dans son Eiheiji kuin seiki daté de 1248. Les volumes 8, 9 et 10 du Eihei kôroku sont d'ailleurs titrés de gen oshô (maître Mystère).

En 1252, sa santé décline et il reste allongé près de dix mois. Il enseigne sur le Hachi dainin gaku, "Les huit enseignements du grand homme", le dernier enseignement du Bouddha juste avant sa mort extrait du Mahâ parinirvâna sûtra. On le presse de se rendre à Kyôto pour se faire soigner. Le septième mois de 1253, il nomme Ejô comme abbé. Un convoi part d’Eiheiji le 5e jour du huitième mois. Arrivé à Kyôto, sa santé décline rapidement et il meurt le 28 du même mois dans la résidence de Kakunen. Il laisse ce poème testamentaire :

Cinquante-quatre ans que je contemple la sphère céleste,
Je fais ce grand saut et je fends tous les univers.
Le corps entier n’a plus rien à chercher,
Je sombre tout vif dans les sources jaunes.

À la fin de l’année 1253, Ejô fait l'inventaire des papiers de son maître. Il y découvre un manuscrit en chinois inconnu de lui, une transcription de questions et de réponses avec Rujing. Le manuscrit original n'a pas été conservé, mais une copie de la main d'Ejô datée du 10e jour du douzième mois de la cinquième année de Kenchô (1254) existe toujours. Il est connu sous le titre de Hôkyôki, "Journal des années Baoqing".

Ejô doit alors reprendre la succession du monastère non sans difficulté, plusieurs moines le critiquent sévèrement et le croient incapable de reprendre cette fonction. Avant la retraite d’été de l’année 1254, les moines sont obligés d’accomplir une cérémonie formelle d’allégeance à Ejô, signe, s’il en est, de violentes tensions internes. Plusieurs moines ont dû alors quitter Eiheiji. Gijun qui apparaît plusieurs fois dans les colophons du Shôbôgenzô comme copiste, et dont le nom suggère qui fut tout d’abord un disciple d’Ekan, fait défection et semble s’être ensuite converti à l’ésotérisme shingon.

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