DOGEN - UNE BIOGRAPHIE (9/10)
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Dôgen - Une biographie (neuvième partie)


Le départ vers Echizen, la construction du Daibutsuji

L’année 1243 marque une rupture importante dans la vie de Dôgen. Il quitte subitement (abandonne ?) juste après la retraite d’été son monastère de Kôshôji pour s’établir dans les montagnes reculées de la province septentrionale d’Echizen (dans l’actuelle préfecture de Fukui). Nulle part dans ses écrits, Dôgen ne fera allusion à cet événement pourtant capital. Les motifs de son départ semblent multiples.

1. L’animosité de l’école tendai. Un texte tendai rédigé au début du quatorzième siècle, le Keiran jûyôshû, présente le départ de Dôgen comme un exil forcé dû aux pressions des prélats de l’école tendai. Le texte est largement sujet à caution puisqu’il présente de nombreuses erreurs de chronologie et qu’il prête à Dôgen l’écriture d’un Gokoku shôbôgi pour justifier son enseignement. L’atmosphère religieuse politique et sociale du Japon central a été bouleversée entre les années 1220 et 1240 et l’école tendai n’a plus autant de pouvoir qu’auparavant. Dôgen ne semble pas avoir été directement sommé de quitter Kôshôji. Le monastère n’a pas été physiquement menacé par les bandes guerrières du tendai puisque Dôgen y conduisit normalement la retraite d'été (ango). Une atmosphère de suspicion devait néanmoins régner autour cette communauté, d’autant plus qu’il avait accueilli des moines de l’école Daruma-shû qui avaient fait, eux, l’objet de persécutions physiques.

2. L’inauguration du temple zen de Tôfukuji paraît être un motif déterminant dans ce départ. Enni Ben’en était arrivé à Kyôto le deuxième mois de la première année de Kangen (1243) et c'est le huitième mois que le monastère est officiellement ouvert. Un mois plus tôt la communauté de Dôgen désertait Kôshôji.

3. La tradition retiendra comme seul motif officiel l’attrait de la vie érémitique. Selon la tradition, Rujing lui aurait enjoint de se retirer dans les montagnes pour ne se consacrer qu'à la voie bouddhique. Un tel attrait est déjà marqué dans le Bendôwa et le fascicule Sansuikyô daté de 1240 est également une apologie de la vie érémitique.

En réalité, ce départ plus ou moins forcé paraît essentiellement lié aux jeux d’influences politiques et religieuses dans la capitale. Il semble avoir été planifié et soigneusement préparé. Son dernier prêche à Kôshôji qui fera l’objet du fascicule Tsuki ("La lune") est daté de l'avant-dernier jour de la retraite d'été, le 14e jour du septième mois 1243. Celui intitulé Sangai yuishin ("Les trois mondes ne sont qu’esprit") est donné au Mont Zenjihô dans la province d'Echizen le 1er jour du mois intercalaire, 16 jours après seulement. Compte tenu de la relative distance (plus d’une centaine de kilomètres à vol d’oiseau) et de l’importance du déplacement (plusieurs dizaines de personnes équipées, une centaine peut-être avec les serviteurs), celui-ci dû prendre près d’une quinzaine de jours. Ils longèrent le lac Biwa puis s’enfoncèrent dans les montagnes. À cette occasion, certains moines se séparèrent peut-être de la communauté. Le Kenzeiki rapporte qu’un certain Gijun (un moine de l’école Daruma-shû et un disciple d’Ekan) resta ainsi à Kôshôji.

Pourquoi avoir choisi les montagnes d’Echizen ? Hatano Yoshishige, l’un des protecteurs de Dôgen disposait de terres dans cette région. C’est Hatano lui-même qui organisa sans doute le départ et l’installation de la communauté. Gikai, un disciple d’Ekan et de Dôgen, qui deviendra par la suite le troisième abbé d’Eiheiji, était issu d’une branche du clan Fujiwara établie dans cette province depuis le neuvième siècle. Sa famille avait des liens matrimoniaux étroits avec la famille Hatano. Il était né dans un village du nom d’Inazu au centre de la province et était devenu novice à Hajakuji en 1231 à l’âge de 12 ans auprès d’Ekan. Ce dernier connaissait également bien la région, il y avait séjourné de 1228 à 1241 dans ce même temple d’Hajakuji.

La communauté s’installe d’abord dans un petit temple du nom de Kippôji tandis que se construit un monastère qui prendra le nom de Daibutsuji. Il restera un an dans ce temple, une période féconde puisqu’il y écrira vingt-neuf fascicules du Shôbôgenzô. Dôgen consacre les semaines et les mois qui suivent le départ de Kôshôji à déconsidérer systématiquement Dahui Zonggao, le maître de l’école Linji. Le fascicule Jishô zammai ("Le samâdhi de l’éveil par soi") trace une biographie critique de Dahui que Dôgen dépeint comme un arriviste incapable d’être digne des différents maîtres qu’il côtoya.

Dôgen s’installe dans le nouveau monastère en construction en 1244. En 1244, Hatano Yoshishige fait construire la salle d’étude (shûryô). La même année, son cousin Fujiwara Yoshiyasu (?-1286), un noble de Kyôto qui était devenu moine sous le nom de Kakunen, prend lui en charge la construction de la salle communautaire (sôdô). En 1245, Dôgen dirige la première retraite (ango) dans le monastère qu’il baptise alors Daibutsuji. Ce nom peut s'interpréter comme une opposition au Tôfukuji construit pour Enni Benn'en qui devait éclipser les temples de Tôdaiji et du Kôfukuji à Nara. C’est au Tôdaiji qu’est, en effet, érigée la statue du grand bouddha (daibutsu) Vairocana. Le deuxième volume du Eihei kôroku (dit "Les discours du Daibutsuji") laisse entrevoir les difficultés alors endurées par la communauté. L’un de ses prêches porte sur la réelle grandeur ou petitesse d’un monastère qui fait sûrement écho au faible nombre de moines présents. Il prend exemple sur les communautés de Fenyang Shanzhao (jap. Fun’yô Zenshô, 947-1024), de Zhaozhou (jap. Jôshû, 778-897) et de Yueshan (jap. Yakusan, 745-828) qui ne comptaient que quelques individus. La grandeur ne tient pas dans le nombre mais dans la qualité des moines. "Même s’il y a beaucoup de moines, si personne n’est doté de l’esprit de la voie, en vérité c’est un petit monastère. Même si c’est un petit cloître, s’il y a des personnes dotées de l’esprit de la voie, en vérité, c’est un grand monastère." Dans un autre sermon de cette époque, il se plaint encore que : "Ce monastère dresse ses murs mais les constructions ne sont pas encore terminées. Il n’y a personne pour s’occuper de ces mornes affaires."

En 1246 (le 15 du sixième mois), il rebaptise le temple en Eiheiji du nom de l'ère Eihei (58-75 après JC) d’où l’on datait l’introduction du bouddhisme en Chine. Dans ses ouvrages, il abandonne peu à peu le ton du Shôbôgenzô pour une prose plus formelle. Il écrit désormais plus en chinois qu’en japonais. Alors que l’on pouvait suivre sa vie à Kôshôji en lisant son Shôbôgenzô en japonais, c’est au travers de ses recueils de prêches formels (goroku) en chinois que l’on doit désormais le suivre.

À l’époque du Kôshôji, il avait écrit peu de livrets sur les règles monastiques, il s’agissait du Tenzo kyôkun, du Jûundôshiki et des fascicules Ango, Semmen, Senjô et Kankin inclus dans le Shôbôgenzô. Mais, isolé avec sa communauté dans les montagnes, il rédige de nombreux livrets consacrés à la vie monastique. Plusieurs de ces textes seront ultérieurement fondus en un seul volume qui prendra le titre de Eihei shingi ("Les règles pures d’Eihei") :
- le Taitako gogejarihô en 1244 sur les règles de comportements vis-à-vis des moines anciens
- le Bendôhô en 1246 sur le quotidien dans la salle communautaire (sôdô)
- le Fushukuhampô, en 1246 qui décrit le rituel des repas
- le Chiji shingi en 1246 qui décrit le rôle des six administrateurs des temples zen
- le Eiheiji jikuiimon en 1246
- le Shuryô shingi en 1249
- le Eiheiji jûryo seiki en 1249

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Eiheiji : une vue actuelle (DR).